Lunatiques, dites-vous ? [Indiana&Keith] RP FUTUR

Oyez, oh yeah.

Rien de tel pour se détendre qu'un bon verre au bar le plus proche. Sur le chemin, je me rappelai les Vendredi soirs passés au pub avec mes amis après une bonne semaine de cours à Paris. Je mentirais si je disais que ça ne me manquait pas. Cette fois, j'y allais seul. Mais qu'importe, la chaleur réconfortante et la convivialité d'un bar est toujours agréable, accompagné ou pas.

J'ouvris la porte et me retrouvai alors dans un environnement plaisant et familier. L'endroit n'était ni vieux ni kitsh, mais plutôt moderne en fait. Les gens parlaient entre eux dans une bonne ambiance, il y avait des jeunes de l'université comme des vieux à la sortie de leur boulot. Des filles, des garçons, des couples, des groupes d'amis, etc. De tout. Même des familles.

Je m'installai au contoir et commandai directement une vodka-redbull, sans me soucier du prix que ça allait me coûter. La bourse que me versait Enamor me servait aussi à ça finalement. Inutile de résister à ce petit plaisir, un verre de plus ou de moins n'allait en rien changer mes addictions, déjà bien présentes.

Une fois mon verre servi, j'avalai avec impatience une gorgée du mélange. Rien de meilleur. Puis j'inspectai à nouveau les lieux. Le bar se remplissait à vue d'œil, si bien qu'il ne resta bientôt que quelques places vides, dont seulement une au contoir, juste à côté de moi. A cet instant, je me sentis particulièrement seul.

Indiana.

Je venais d'arriver, j'avais eu à peine le temps d'aller poser mes sacs que j'étais déjà sortie. En fait, j'avais besoin d'un remontant. J'étais complètement hors service, valait mieux se remettre d'aplomb pour finir la soirée, sinon je pouvais déjà aller me coucher. Et l'envie n'y était pas. J'avais donc arpenter les rues, cherchant un bar, qui voulut bien se montrer lorsque j'allais renoncer. A croire qu'il l'a fait exprès, le bougre.

J'entrai donc, ce n'était pas immensément grand pourtant y avait... Beaucoup de monde. J'aime pas le monde, j'ai l'impression d'étouffer, de suffoquer, c'est assez horrible comme sensation. En plus, j'ai horreur des gens. Cons insensibles et méchants. C'est comme ça que je les vois. Et c'est comme ça qu'ils sont. Sortant les mains des poches de mon manteau, je jetais un coup d'oeil circulaire.

Ah, là bas, au comptoir, y a une place à côté d'un type. Et de l'autre côté, y a un autre type. Qu'a l'air plus inoffensif que l'autre, avec ses lunettes et son style particulier, à la Howard dans Big Bang Theory. Même en étant pas passionnée de chiffons, je vois bien que ça ne s'assotit pas,.ça coule de source. Le gars de l'autre côté a déjà l'air un peu mieux dans sa tête. T'es bien placée pour en parler. Oh ferme-la, toi. Bref, au lieu d'analyser les gens, on va plutôt aller commander. Je veux une vodka. Bien sèche.

Ça fait longtemps que t'as pas bu et tu veux de la vodka ? Occupe-toi de tes fesses, je t'ai dit. Je suis rendue à côté du bonhomme, enfin entre les deux types. L'intello qui, vu comment il parle à la nana à côté, ne saurait draguer qu'une mouche en période de reproduction, et certainement pas la pétasse qui se fout de sa tronche, et le gars, qu'a l'air plus triste que super joyeux.

Ma commande servie, j'enfile une longue gorgée, reposant ensuite le verre en me mordant les lèvres de ma bêtise. Ouais, ça fait longtemps, j'suis plus habituée,.ça brûle le gosier, ce foutu truc.

Malgré le bar presque complet, une fille entra, seule. Une très belle brune, aux yeux clairs, qui semblait plutôt sûre d'elle. Elle scruta la salle, certainement à la recherche d'une place où s'assoir. Elle semblait mépriser la cohue du lieu, notamment le crétin à côté de moi, qui essayait tant bien que mal de draguer sa voisine ; c'est vrai qu'il était pitoyable, le pauvre gars. Elle s'installa finalement sur la chaise vide qui me tenait compagnie, et commanda une vodka pure.

Impressionné par sa commande qui contrastait totalement avec la délicatesse de son physique, je restai la regarder, les commissures des lèvres légèrement relevées pour exprimer mon intérêt. Elle but son shooter d'une traite, comme prévu. Son visage se déforma tout à coup, ce qui me fit lâcher un petit rire.

- C'est fort, hein ! la taquinai-je pour engager la conversation. Plus t'en bois, mieux ça passe en général.

Je demandai donc au barman deux nouveaux shooters : un pour elle, un pour moi.

Indiana.

Le gars à côté, qui me regarde d'ailleurs, est plus grand que moi, même assis. Il doit être haut sur pattes, le bonhomme, parce qu'avec mes 1m78, j'en dépasse pas mal, des mecs. T'es grande, Indiana, ils ne sont pas petits. J'ai jamais dit le contraire. Mais bref, c'est pas le sujet, me semble-t-il.

Justement, ce même garçon, alors que je m'apprêtais à faire remarquer à mon autre voisin qu'il devrait arrêter de se ridiculiser en essayant de draguer la nana, et que, par conséquent, il ferait moins de bruit et ce serait mieux pour tout le monde, m'adresse la parole après que j'aie bu mon verre, me faisant remarquer que c'était mieux avec plusieurs verres, c'était moins fort. Il se mêle de quoi, ma parole ? Attends un peu...

- Disons que j'ai plus l'habitude... Il paraît, oui. Tu es ?

Saute d'humeur numéro un. Tu l'agressais mentalement, et tu lui parles gentiment. Tu lui as même souri, il sait vraiment pas à quoi il s'attaque en adressant la parole à mademoiselle Sherwood. Le pauvre, je le plains. Oh, ça va,.je suis pas horrible non plus... Le jeune homme commande ensuite deux autres verres au barman, qui se remet au boulot illico.

Elle était marrante, à mépriser le crétin dragueur comme s'il était complètement nu face à elle et que, de surcroit, il n'avait pas pris de douche depuis des lustres.

"Disons que j'ai plus l'habitude, me répondit-elle. Il paraît, oui. Tu es ?"

- Keith, Keith Coen, me présentai-je. Et toi ?

Le barman nous tendit donc les deux shooters. J'en donnai un à ma voisine.

- La galanterie veut que je t'offre un verre, donc profite, c'est gratuit ! Celui là passera forcément mieux, indiquai-je d'un clin d’œil.

Sur ces mots, j'avalai cul-sec le petit verre qui se présentait devant moi, en plissant légèrement les yeux. Forcément, ça brûlait la gorge. Mais j'avais pris l'habitude, à force. C'est ce genre de paris débiles entre potes parisiens, ou entre collègues urbains l'année dernière, qui m'ont rendus quasi imperturbable à l'ingurgitation de tels liquides volcaniques. Néanmoins, le goût de javel était toujours aussi dégueulasse. Alors je rattrapai mon premier cocktail pour faire passer le cette saveur aigre et désagréable qui s'était installé sur ma langue.

Indiana.

Ah bon sang, j'ai beau être juste à côté de lui, je suis en même temps polluée par les blablatages incessants de mon autre voisin, j'ai nommé l'abruti qui drague aussi bien qu'un manche à balai cramoisi. Je souffle d'agacement contre cet imbécile. Je vais pas tenir longtemps à l'écouter déblatérer ses exploits quasiment irréels vu sa carrure de mec maigrichon. Je tapote le bout de mes ongles sur le comptoir en essayant d'oublier cet idiot vantard.

Donc le mec que j'ai en face de moi s'appelle Keith, Keith Coen, se présente-t-il. L'idée de ne lui donner que mon second prénom me plait bien, mais il a pas l'air méchant. Et pas abruti comme l'autre derrière, puisque je lui tourne maintenant le dos.

- Indiana Sherwood.

Mes ongles accélèrent, réellement agacée par l'autre derrière. On se détend, Indi, on se détend. Plus facile à dire qu'à faire quand t'as une pipelette pareille aussi ridicule et imbécile derrière toi. Keith, donc, après avoir reçu sa commande, me tendit l'un des verres. Je hausse un sourcil, surprise. Il m'offre un verre ? Il est bien gentil, le petit - enfin grand - gars, m'indiquant qu'il passera mieux dans un clin d'oeil.

- Merci beaucoup, y a sûrement aucun doute...

Attrapant le verre, j'imite mon voisin - l'intelligent, enfin celui qui paraît le plus futé, pas l'autre abruti. Bah, va falloir un ou deux, je pense, avant que ça brûle plus trop... Mais on va faire mollo, je suis fatiguée, alors l'alcool sera rapide à la réaction, je le sens.

Le rire gras de l'autre con derrière me fait me retourner, grognant de mécontentement. Je tape son épaule, pour qu'il se tourne vers moi, ce qu'il ne tarde pas à faire lorsque sa copine je-suis-une-pétasse lui indique qu'une 'nana voudrait lui causer'.

- Qu'est-ce tu veux ma jolie ?

Arf, il avait déjà pas bien commencé dans mon échelle de 'j'aime-j'aime pas' mais là, il s'enfonce le con. Il pue l'alcool, et le 'ma jolie' c'était vraiment mais alors VRAIMENT pas nécessaire.

- Déjà, pour commencer, que t'arrêtes tout de suite de m'appeler comme ça, sinon, ça va pas le faire, et qu'ensuite, t'arrêtes de te la jouer à la 'je suis fort, j'ai tout fait dans la vie'. Non mais parce que t'as une technique de drague à chier, tu vois ? Et je pense à la pauvre fille qui doit être aussi fraîche que toi en face et qui se prend tous les postillons que tu projettes en parlant, c'est limite si tu craches pas, elle en a marre. Et si tu te taisais, ce serait vachement cool, autant pour nous que pour toi, arrête de te ridiculiser, mon pauvre mec, parce que t'es juste pito...

J'évite de justesse la baffe qu'il aurait bien voulu me mettre. Il est vraiment bourré, non mais je te jure ! Je vais me le faire, je vais me le faire...

En même temps que nous discutions, je sentais la fille s'agacer. Elle inspirait et expirait bruyamment, en tapotant nerveusement le contoir de ses ongles. Elle se présenta quand même. "Indiana Sherwood". Elle but son shooter, toujours à crans.

- Un problème ?, lui demandai-je finalement.

J'eus à peine le temps de poser la question qu'Indiana s'était retournée pour parler à la tronche d'abruti assis à côté d'elle - pas moi, l'autre. C'est vrai qu'il était chiant : il parlait fort, se ventant d'exploits fantasmés dans sa petite tête d'ahuri, et crachait à son entourage une très forte odeur d'alcool émanant de son haleine fétide.

"Fort bourré, lui."

Aïe. Il employa des mots qui ne plurent pas du tout à Indiana, et ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. En une fraction de secondes, elle se lança dans une tirade à grande vitesse et impossible à arrêter me semblait-il. Je bus ses paroles, ébahi par la bombe de furie qui éclatait sous mes yeux.

Mais le type bourré devint tout à coups violent et, en plein milieu du monologue, tenta de gifler Indiana. Sans une once de réflexion, je bondis de ma chaise et attrapai d'un bras le puant par la gorge. Une fois à terre, je l'immobilisai et lui hurlai quelques mots à l'oreille, histoire de bien lui péter les tympans. Je sentais ma veine se gonfler sur le front tant la rage s'était installée en moi.

- OH ! Depuis quand on frappe les filles, hein ? Depuis quand ? Tu pues va, t'as aucune fierté ! Rentre chez toi avant que je te colle mon poing dans ta gueule ! Casse toi !

Je me levai alors pour lui laisser place et le poussai en direction de la sortie. Le brouhaha habituel du bar avait fait place à un silence de cathédrale. La majorité des regards s'étaient posés sur moi, mais je fis comme si de rien n'était. Je me rassis au contoir, le souffle encore un peu court.

Indiana.

J'étais franchement prête à en coller une à ce mec, après qu'il ait essayé de me gifler, lorsque Keith, à côté de moi bondit de sa chaise, chopant l'abruti par le cou, qu'il mit à terre, avant de lui hurler à l'oreille qu'on ne frappait pas les filles, qu'il pouvait dégager avant qu'il le frappe. Il se releva, poussant l'imbécile vers la porte du bar avant de revenir s'asseoir à côté de moi. Durant tout cela, j'étais restée pétrifiée, regardant la scène non sans étonnement. En fait, je m'attendais pas à ce que le jeune homme avec qui je parlais réagisse comme ça. A la limite, il aurait rembarré le gars, d'accord mais là... J'avais jamais vu ça. D'ailleurs, toutes les autres personnes avaient arrête de faire ce qu'ils faisaient, il n'y avait plus un bruit, on aurait u entendre une mouche voler. Disons que c'était un peu... Gênant, vu que tous les gens regardaient Keith, et vu que je suis juste à côté, voilà quoi.

Je me tournais de nouveau vers le bar, regardant mon 'sauveur'. Il avait encore l'air en pétard, dis donc. Remarque, il a de bons principes, on peut pas dire le contraire... Et il semblerait qu'il y soit très attaché, pour réagir pareillement. Danstous les cas, cc'était sympa de sa part d'avoir viré ce mec complètement fon et bourré.

- Mmh, merci Keith, c'est gentil de m'avoir défendue.

Je lui adresse un sourire, bon. Faut que je le remercie maintenant. Même s'il a sûrement fait ça juste parce qu'il supporte pas qu'un mec complètement macho frappe une fille. Non pas sans défense, car j'ai la patte sèche si on m'énerve. Enfin bref, je sais comment le remercier.

- Je t'invite, dis-moi ce que tu veux. Pour te remercier.

Ce n'est qu'une fois assis, en constatant le visage choqué d'Indiana, que je me rendis compte de la pagaille que j'avais semée. En plus de ça, sa position devait être assez gênante, tout le monde nous regardait et j'étais l'unique responsable. Mes mauvaises habitudes refaisaient surface. Ou plutôt, n'avaient jamais vraiment disparu, malheureusement. Agacé par ces pensées, je serrai la mâchoire et avalai d'une traite ce qui restait dans mon premier verre. Il fallait vraiment que je me débarrasse de tout ça. Enfin, ça allait partir avec le temps. Ou pas.

"Mmh, merci Keith, c'est gentil de m'avoir défendue", me dit-elle en souriant.

- C'est normal ! Et puis, ça détend toujours un peu de se défouler sur un idiot, lui répondis-je ironiquement en lui rendant son sourire.

En même temps, c'est vrai, qu'est-ce que j'aurais pu faire d'autre ? Si je l'avais pas redescendu sur Terre directement, il aurait réessayé de frapper Indiana, et moi je l'aurais laissé faire ? Non, jamais de la vie. Je peux tout être, sauf un lâche.

Pour me remercier, elle me proposa de me payer un verre. Sauf que j'aurais perdu toute crédibilité à accepter. Je venais de faire une grosse leçon de bonne conduite à un mec, et juste après j'aurais accepté qu'une fille me paye un verre. Non, c'était complètement illogique.

- C'est gentil, j'apprécie le geste, mais je vais payer, t'en fais pas. Tu veux quelque chose toi ?

Indiana.

C'est normal, me répondit-il. C'est normal ou pas, je suis désolée. Y en a qui ferait pas ça, le mec en face aurait été plus baraqué, ça aurait pas été aussi facile. Je ne doute pas des compétences de Keith niveau fritage qu'en vient aux mains, mais on sait jamais. Il ajouta que ça faisait toujours dû bien de ce défouler sur un idiot, ça détend, il prétexte, ironique. Pas franchement faux, moi aussi j'aurais bien voulu lui en coller une. Mais j'avais pas eu le temps que superman avait débarqué plus vite de Lucky Luck.

Keith déclina poliment ce que je lui proposais, me demandant ensuite si je voulais quelque chose. C'est bien, il est galant et bien élevé. Mais c'était pas une question. Posant mon coude sur le comptoir, j'appuie mon menton sur ma paume, regardant mon voisin.

- Pour tout te dire, c'était pas une question. Donc choisis quelque chose avant que je te fasse bouffer la carte. Je te dois bien ça, non ?

J'y ajoute un sourire, bien que je sois sérieuse. Là, il ne partira pas d'ici avant qu'il ait bu le verre que je vais lui offrir, sinon ça va mal se passer. La plupart des gens s'étaient remis à parler, cependant, certains restaient encore à nous regarder sans rien dire. Je crois que leur dire de fixer les gens, c'est mal poli leur ferait le plus grand bien, mais je me retiens, on sait jamais, si je tombe sur un con et que ça recommence.

Ma volonté de galanterie sembla ne pas lui faire plaisir, bien au contraire d'ailleurs. Elle me répondit sèchement que ce n'était pas une question mais une affirmation. "Donc choisis quelque chose avant que je te fasse bouffer la carte", répliqua-t-elle par la suite. Mais avec le sourire ; ça passe mieux.

Décidément, cette fille était plus qu'étonnante. Imprévisible, en fait. On s'attend à ce qu'elle agisse comme ci, mais elle le fait comme ça. Encore une fois, elle me laissait sur le c... sur l'arrière train, huhu. Je pensais qu'elle apprécierait ma proposition, et finalement elle la décline par une réponse cinglante. Ça m'amusait beaucoup.

Toujours est-il que nous nous trouvions dans une impasse : nous tenions tous les deux à payer les deux parts. Je consultai brièvement les quelques pièces qui demeuraient au fond de ma poche.

"Merde, il me reste plus grand chose, j'y avais pas pensé..."

Ravalant ma fierté masculine, je dus me résigner à accepter sa proposition. Douloureux.

- Bon, ok, t'as gagné, avouai-je non sans difficulté à ma voisine, mais avec le sourire ; ça passe mieux. Dans ce cas je vais prendre une vodka-coca. T'es contente ?

Autour de nous, certaines personnes continuaient à nous dévisager. C'était un peu désagréable de se sentir épié de la sorte, mais qu'importe, ils se retournaient petit à petit, un par un. A croire qu'ils avaient attendu un nouveau rebondissement qui n'arriverait certainement pas. A moins que l'on croise un nouveau crétin à grande gueule.

Indiana.

Je souris un peu plus, fière d'avoir gagner. Non pas que je sois une mauvaise perdante mais... Si, si, je suis une mauvaise perdante. J'ai horreur d'échouer, sinon je me sens faible. Et j'aime pas ça, me sentir faible, ça veut dire que tout le monde peut m'atteindre, et j'aime pas cette idée là. J'aime pas qu'on touche à ce que je suis. Encore moins à ce que j'étais, c'est-à-dire mon passé. C'est une période sombre que je veux oublier... Surtout après ce qu'elle m'a fait.

Keith ne semble pas apprécier le fait de céder. En même temps, il doit pas se faire payer un verre par une nana souvent, je pense. Et, évidemment, les hommes ont leur fierté à la con, donc ils aiment pas ça. Je te jure. Tous les mêmes. Y en a pas un qui se distingue, c'est malheureux. Pourtant il sourit. Mais ça fonctionne pas très bien, enfin...

Donc une vodka-coca. Enfin deux, une pour lui, une pour moi. Indi, tu vas finir complètement bourrée, tu devrais pas boire, t'es fatiguée. Un dernier verre. Je vais pas le laisser boire tout seul, quand même, ça se fait pas. Tout ça pour dire que j'ai passé ma commande, que le gars en face ne tarde pas à me donner.

- Contente, moi ? Bien sûr que oui. C'est amusant de voir un homme perdre...

Je souris, tapotant mes ongles contre le verre plein. Avouons que c'était drôle, tout de même...

"C'est amusant de voir un homme perdre."

Aha, forcément. Ma fierté masculine en prit un coup. Je ris jaune, mais je ris quand même ; l'alcool commençait très légèrement à monter. Et puis il était inutile de mal prendre ce pic de sa part : cette défaite m'arrangeait finalement, d'un côté. Donc bon.

- Je te crois. En attendant ta victoire te coûte cinq balles de plus, pour le coup ma défaite est rentable ! Enfin t'attends pas à ce que je me couche à chaque fois, lui répondis-je avec un clin d'œil.

Le barman nous servit les deux verres. J'avalai une nouvelle gorgée du mélange, excellent, puis je lançai une nouvelle discussion avec ma voisine. Il est toujours agréable de connaitre un minimum la personne avec qui on parle, au-delà de son nom et son prénom.

- Au fait, je me promène souvent dans cette rue après les cours, du coup je tombe presque toujours sur les mêmes têtes. Mais la tienne me dit rien du tout... Tu es nouvelle par ici ?

L'une des plus belles constructions de phrases jamais prononcées. Et tellement original, qui plus est. Elle va juste me prendre pour un gros relou dragueur, ou je ne sais quel aguicheur has been. Franchement, si c'était le cas, je n'aurais aucune crédibilité. Ce serait fâcheux. D'habitude j'ai quand même plus de tact, là je passe pour n'importe quoi. Ahah, quel idiot je fais. Rien de bien grave.

Indiana.

Très honnêtement, c'est pas l'argent qui manque, dans la famille Sherwood. Même sans avoir revu mes parents depuis perpète, ils envoient de l'argent à ma tante, qui me le donne. J'ai du mal à accepter ça. J'aime pas accepter l'argent de gens malhonnêtes. Mais je suis obligée, je me vois mal vivre sans fric dans le monde d'aujourd'hui. Surtout que je veux me concentrer sur mes études. Tu bosses pas en cours, Indiana, arrête ton délire. Rah, fous-moi la paix. Donc je disais que non, ça me dérangeait pas de payer plus cher.

Rien que de repenser à ses menteurs me hérisse le poil. Afh, j'ai horreur de ça. Je les hais, je les hais, je les hais. C'est à cause d'eux ! J'aurais pu être plus heureuse, avec mon frère ! Je sais qu'y a toujours un truc qui me manque, c'est lui. Je remonte discrètement la manche de mon manteau, laissant apparaître le bracelet que j'ai depuis toujours. Je sais pas pourquoi, mais il me fait penser à lui. Je ne sais même pas comment il s'appelle, c'est un peu fort, c'est mon frère jumeau...

Je relève les yeux vers Keith lorsqu'il m'adresse à nouveau la parole. Hein ? Qu'est-ce qu'il me fout, là ? Il avait l'air bien, et là il se met à se la jouer au gars qu'y avait derrière. Je vous assure, si il finit par faire comme lui, je vais pas supporter ça une deuxième fois. Mais alors ce sera impossible.

- Je te préviens, mon petit chéri, fais pas comme le gars qu'y avait derrière, ça va devenir embêtant, sinon, tu vois ?

Hop là, saute d'humeur, Indiana est de nouveau aimable. Comment veux-tu que les gens te comprennent quand tu changes de façon de parler toutes les secondes.

- En effet, je suis pas d'ici. Je suis arrivée ici aujourd'hui, en fait. Donc je peux en conclure que toi, t'es là depuis quelques temps, non ?

Je conclus par sa réponse sur la défensive qu'elle avait eu le même ressentiment que moi quant à mon manque de phrasé. En même temps, c'était inévitable. N'aurait plus manqué que je l'appelle "ma jolie", comme l'autre demeuré qui avait quitté "précipitemment" les lieux. Enfin bon, je n'étais pas non plus à son niveau, faut pas exagérer.

- Non je suis tout sauf ce genre de crétins. Je voulais juste engager la conversation mais je crois qu'on est tous les deux d'accord pour dire que je me suis mal exprimé, me rattrapai-je avec un sourire forcé pour prononcer mon avœu.

Peut mieux faire, mais bon. Rien de bien grave. Le principal était que je rattrape un minimum la situation. Finalement, elle répondit à ma question, d'un ton étonnemment amical qui contrastait beaucoup avec celui qu'elle avait employé la phrase précédente. Imprévisible cette fille, je vous dis.

Apparemment, elle venait d'arriver, le jour même. Puis elle en conclut que j'étais ici depuis assez longtemps. Et pourtant, je ne suis ici que depuis une semaine environ. Mais j'ai déjà pris mes repères et quelques habitudes, comme me promener dans cette rue après les cours, rencontrer de nouvelles têtes, etc. J'avais l'inexplicable impression d'y vivre depuis des mois, des années mêmes. C'est sans doute ce genre de sentiment que l'on ressent quand on se sent à l'aise quelque part. Enfin c'était une sensation très agréable en tous cas.

- En fait non, je suis arrivé ici que depuis quelques jours à peine, répondis-je. Je me suis inscrit à l'université Enamor, t'as dû passer devant, on peut pas la rater vu la taille des bâtiments !

Indiana.

Je ne soupire pas de soulagement, car c'est pas mon genre, mais si, je suis soulagée. Qu'il ne soit pas comme l'autre imbécile prétentieux et puant. Il reconnaît aussi qu'il s'y est mal pris, il voulait juste engager la conversation. Ouais, ah ça ouais, on peut pas le nier, là tu t'es chié. Indiana ! Quoi ? Reste polie. C'est ça. Il ajouta à tout ça un sourire forcé, sûrement pour mieux faire passer le tout. Enfin c'est ce dont je me doute.

Pour toute réponse, j'avale une gorgée de mon verre, ne soulevant pas sa remarque, il sait que je pense comme lui, je crois que je lui ai clairement expliquer que ça m'avait pas plu. Ou alors il est débile et il a pas trop tilté. Mais vu qu'il s'est rattrapé - enfin c'est un bien grand mot - on dirait qu'il a compris.

Donc, pour répondre à ma seconde question, non. Non, il n'est pas là depuis longtemps, au contraire, il est arrivé y a quelques jours. Ah, on aurait pas dit, dis donc... J'avale une autre gorgée lorsqu'au début de sa seconde phrase, je faillis recracher ce que j'avais avalé. C'est pas plus étonnant que ça, c'est sûr, m'enfin bon, j'vais croisé Superman en cours, donc bon. Donc ouais, ouais, bien sûr je suis passée devant, j'y ai posé mes sacs.

- Ah. Euh, eh bien moi aussi, j'y suis, là bas. A Enamor.

Fatigue + alcool = mauvais mélange. Je sentais déjà le mal de tête du lendemain arriver, et j'allais le regretter... J'ai même failli oublier le nom de l'école, alors qu'il venait de le prononcer, je suis grave, je sais.

Elle ne répondit rien à mes explications. Non, décidément, elle n'avait vraiment pas apprécié. Rien de plus normal: je venais de faire la morale à un abruti, et je me comportais de la même manière que lui la seconde d'après. Il y avait de quoi ne pas aimer. Il fallait que je me concentre un peu plus avant de lui parler, pour ne pas ressortir de telles conneries.

Elle prit son verre et en but une gorgée, puis une autre pendant que je lui parlais d'Enamor. La deuxième sembla moins bien passer. Elle semblait presque étonnée que j'y sois inscrit. Elle répliqua qu'elle y était, elle aussi. Ah tiens, je ne m'y attendais pas à vrai dire. En même temps, qu'est-ce qu'elle serait venue faire ici d'autre que d'aller à l'université ?

Eh, mais alors, pourquoi je l'avais jamais croisée avant alors ? Ah c'est vrai, elle vient d'arriver, haha. Voilà le genre de réflexions que j'ai bien fait de ne pas faire tout haut, tiens. Bien joué Keith, c'est bien. Fait chaud, là.

Bref. Toujours est-il qu'on allait sûrement se recroiser. Tant mieux, elle me faisait marrer. Et puis c'est sympa de trouver quelqu'un plus ou moins dans la même situation que soi.

- Ah bah c'est plutôt cool alors, répondis-je en reprenant une gorgée de mon verre. Du coup je suppose qu'on sera amenés à se revoir. Par contre fais gaffe, la spécialité d'Enamor c'est les potins. Au moindre faux pas tu retrouves ton nom sur le panneau d'affichage avec une rumeur ou un rapport collé à la tronche.

Mieux vallait la mettre en garde, juste au cas où. Ça pourrait lui être utile.

Indiana.

Cool, cool, ça dépend la définition du mot cool. Si c'est pour qu'il me fasse chier, ou qu'il me parler comme l'abruti qu'y avait - ou comme il venait de le faire - c'était vraiment pas la peine que je le vois. Que je le revois. Non, sérieusement. Enfin bon, il avait pas l'air d'être trop idiot, déjà, un bon point. Pour être plus claire, je vais pouvoir le supporter. Evidemment, de toute façon, une fois bourrée tu peux supporter n'importe qui. Mais je le suis pas, bourrée. Pour l'instant. Rah, et de toute façon, c'est pas le sujet, qu'est-ce tu fous à remettre ça le tapis ? Je m'égare, là.

Je hausse un sourcil à la fin de sa réponse. Pardon ? Si j'ai bien compris, Enamor et les potins ça fait deux, c'est ça ? Enfin un, je veux dire. Huhu, voilà que ça commence, misère. Donc, Enamor et les ragots ça fait un. Faut se méfier, j'ai pas envie que ma vie privée soit étalée aux yeux du peuple de cette école. Non, j'aime pas m'étaler sur le sujet, donc j'en parlerai pas. A personne, comme ça je sais qu'on ne le saura pas. On ne peut faire malheureusement, que confiance à soi-même. C'est désolant.

En même temps, ce serait dur de le dire aux autres, vu que je n'ai pas d'amis. Oui, comprenez, mes changements brutaux d'humeur plaisent rarement aux gens, ils n'arrivent pas à me cerner, encore moins à me comprendre, et du coup, ça les énerve et ils vont voir ailleurs. Je ne m'en suis jamais plainte, mais c'est vrai que des fois, c'est pesant, ces problèmes... ça en décourage plus d'un, disons. Du coup, ça limite beaucoup ma sociabilité déjà pas très très élevée, si vous voyez ce que je veux dire. Si vous voyez pas, tant pis, c'est qu'y a rien à voir.

- On verra bien, de toute façon...

Ah oui, ça c'est sûr, Indi, on verra. Je t'ai pas dit de me foutre la paix, toi ? Oh, si, excusez-moi, Ô altesse Indiana Phoebe Sherwood. En fais pas trop, je vais me sentir gênée. Très drôle. Je sais.

- Et t'étais où, avant de venir ici ? Enfin, dans quelle ville, je veux dire.

Je vois même pas pourquoi je pose cette question, faudrait que je rentre, sinon je vais finir ronde, je le sens venir. Et puis j'aime pas ce genre de questions, car elles se retournent, et j'aime pas répondre. J'aime pas dire d'où je viens. De toute façon, ce sera clair : je ne viens pas de New-York, mais du Nevada. Carson City, là où je vivais avant de débarquer dans ce pays où on se gêle. Là où habite ma tante, autrement dit.

Visiblement, elle n'était pas particulièrement heureuse de savoir qu'on allait certainement se revoir. Bien. C'est étonnant de se sentir aussi pitoyable et aussi peu apprécié par une personne, et finalement de trouver cette même personne sympathique. Me lier d'amitié avec Indiana sera un vrai challenge. Challenge que je relève évidemment, avec plaisir même. Son air de j'en-ai-rien-à-foutre-de-toi-je-suis-bien-supérieure me faisait rire. En même temps, avec l'alcool dans le sang, n'importe quoi m'aurait fait rire. Ou presque, je n'étais pas non plus au point de me casser la gueule et de vomir à chaque coin de la pièce. Non, ça ferait mauvais genre. Où est mon verre ? Ah, le voilà.

Je bus une nouvelle gorgée. Presque vide.

Elle s'étonna de la réputation de l'université. C'est vrai qu'il y a de quoi, on ne s'attend pas, quand on débarque dans de si beaux bâtiments aux aspects sages et studieux, à tomber sur des langues de p... de vipères, huhu. Ouais, c'est bien dommage. A croire qu'on peut faire confiance à personne, c'est triste.

"Et t'étais où, avant de venir ici ? Enfin, dans quelle ville, je veux dire", me demanda-t-elle.

Comment lui expliquer... Je déteste parler de ce qu'il s'est passé avant. Sinon j'aurais pu lui dire que j'ai vécu à Paris, un peu à Manhattan parfois, d'où je suis originaire. Après, dans quelle ville j'ai été avant de débarquer à Enamor... J'en sais rien à vrai dire. Je suis allé un peu partout au Canada, on restait rarement au même endroit très longtemps. Mais ça reviendrait à dire que j'ai vécu à la rue, et ça en général j'aime pas trop qu'on le sache.

- Tu vas certainement trouver ça idiot, mais je veux pas en parler. C'est trop compliqué, me contentai-je de répondre, voulant couper court à ce sujet de conversation.

Indiana.

Je regarde mes ongles, faisant la moue à sa réponse. Voilà ce que c'est, quand on essaie de faire ami-ami avec des gens, qu'on essaie de faire la conversation pour paraître sympathique, qu'on veut essayer de continuer à connaître le gens d'en face... Eh ben on vous rembarre. Ouais, youpi tralala pouet pouet. Pour une fois que je m'efforçais à être agréable. Je vais finir par redevenir froide. Oh, Indi, il a le droit de pas vouloir en parler. Je crois que t'es assez bien placée pour le savoir, non ? Ouais, sauf que moi, si on me pose la question, je réponds quand même, voilà.

- Ah.

Très profond, Indiana. T'as vu, hein ? J'en suis fière aussi. Aller, rentre avant de finir complètement bourrée, t'as l'air un peu pompette, déjà. Non, c'est même pas vrai. Et le coup du 'Enamor et les ragots ça fait deux' tu crois pas que c'est un signe ? Non, je pense pas. N'importe quoi.

- Enfin bon.

Je me trompe où tu sais pas quoi dire ? T'as raison. En même temps, si il veut pas me dire, je vais pas le forcer, même si ma curiosité a été plus qu'éveillée par ce qu'il a dit. Quand c'est 'trop compliqué', ça veut dire qu'y a une histoire, et j'aime bien les histoires. J'aime savoir qu'y a pas que moi qui ai mal vécu. ça me rassure, dans un sens.

- T'es sûr que tu veux pas ? Enfin je te force pas, hein...

Indiana baissa les yeux et fit une moue de désaccord. Forcément, elle était déçue par le fait que je ne veuille pas lui répondre. C'est vrai que c'est désagréable de ne pas avoir de réponse quand on en attend une, j'aurais réagi de la même manière si j'avais été à sa place. Mais en même temps, déployer sa vie sur un plateau à une personne qu'on connait depuis... Depuis une heure, d'après ma montre... Déjà une heure ? Le temps passe vite en sa compagnie on dirait, haha. Bref, je disais donc, déployer sa vie sur un plateau à une personne qu'on ne connait que depuis une heure, c'est incensé. Et hors de mes capacités. C'était comme si elle me demandait de baisser mon pantalon, il y a quand même des limites, ahaha. Plus sérieusement, il aurait fallu que je sois sûr et certain qu'elle eut été digne de confiance. Et là encore, j'aurais hésité.

S'en suivirent deux remarques terriblement utiles: "Ah..." et "Enfin bon..." de sa part. Bien. Enfin je ne disais rien non plus à côté, ruminant quelques souvenirs de l'année passée. Donc j'étais pas mieux en fait.

"T'es sûr que tu veux pas ? Enfin je te force pas, hein..."

Bordel, mais elle insiste, en plus. Si j'ai dit non une première fois, c'est que c'était déjà tout réfléchi. Et qu'est-ce que ça lui apporterait, que je lui en parle ? Deux minutes de discussion en plus, c'est tout. Puisque c'est une question banale pour la majorité des gens. Pour moi, non. Alors je n'y répondrai pas. Un tout c'est point. ... Ahah, bien.

"Calme toi, Keith, c'est rien, elle est cool."

Je serrai la mâchoire et vidai cul sec la fin de mon verre ; trois gorgées environ. Pour me calmer.

- A moi de te poser une question: qu'est-ce que ça peut te foutre ? Enfin... A quoi ça te sert de le savoir ? Maintenant je suis là et j'y suis bien, c'est tout.

Merde, je voulais pas être aussi sec. Je fermai les yeux pour me reprendre. Fallait que je m'excuse.

- Désolé, c'est juste que j'ai vécu quelque chose d'assez éprouvant, je veux juste pas en parler... Pas maintenant. Et toi alors, tu viens d'où ? tentai-je de me rattraper.

Enfin c'était un peu tard.

Indiana.

Alors qu'il répond ce que ça pouvait bien me faire, que je sache d'où il venait pu pas, qu'il était bien là où il était, maintenant, je passe de la surprise, à la déception puis à la colère. Oui, j'ai été surprise qu'il me réponde comme ça, ensuite déçue qu'il soit peut-être aussi fon que les autres, et en colère ensuite parce que j'essayais seulement de faire la conversation, qu'il pouvait bien jouer au sauveur, mais que qi après, c'était pour redevenir comme le mec qu'il avait viré, non, non, non...

Je n'écoute même pas ses excuses, bien trop en colère pour l'entendre déblatérer des trucs complètement faux, en finissant par une jolie question. Non, là, ça va pas le faire.

Je fronce les sourcils, balayant le comptoir de la main rapidement sous la colère, faisant s'éclater mon verre de l'autre côté, sur le barman, qui s'apprêtait d'ailleurs à me répondre avant que je lui jette un regard noir et qu'il abandonne, me tournant de nouveau vers Keith.

- Ah mais j'en ai strictement rien à foutre, crois-moi ! Tu pourrais avoir vécu dans un chenil j'en aurait rien à faire ! Mais tu sais quoi ? J'essayais de faire la conversation ! Tu peux bien jouer au mec qui défend la nana qui se fait frapper, mais c'est rien du tout ! Je suis sûre que l'abruti derrière ne valait pas mieux que toi ! T'es aussi con et mal élevé que lui. Tu peux ravaler tes allures de mec sympa et tes sourires, parce que t'as juste l'air d'un idiot. Va pourrir ailleurs que sous mon nez, tu pollues mon espace vital et je suis allergique aux cons !

Indiana, si c'était encore vraiment elle - et il y avait de quoi en douter, plongea dans une colère noire, c'était une véritable furie. Elle éclata son verre en le balançant en direction du barman qui, d'ailleurs, ne répliqua pas, certainement par peur de l'énerver encore plus qu'elle ne l'était déjà. Je regrettai encore plus en ce moment de lui avoir sorti de tels mots. Apparemment mes excuses n'eurent aucun, mais alors, aucun écho.

La tirade qu'elle me cracha à la face eut un effet aussi inattendu qu'inexplicable sur moi. Évidemment, elle me fit bouillir de rage, et le mot est faible. Mais en même temps, j'étais fasciné par la vitesse à laquelle chaque son, chaque insulte, sortait de sa bouche, telle une mitrailleuse dont chaque balle te toucherait, voire te transpercerait, au plus profond. C'était aussi douloureux, aussi fort et aussi blessant. Mais aussi incroyable également.

Je serrais ma mâchoire au possible pour tenter de me contenir, mais c'était trop tard. J'étais obligé de répondre à pareilles injures. Je peux être sympa un moment, mais faut pas exagérer, je ne me laisse pas écraser.

J'attrapai son bras et l'emmenai à l'extérieur du bar, dans une ruelle adjacente, histoire de ne pas se faire observer par quelques crétins espérant donner un peu de piment à leur vie en regardant deux inconnus se friter. J'aboyais sur Indiana comme un chien enragé, c'était inhumain.

- Mais écoute toi ne serait-ce que deux secondes, tu te rends compte de ce que tu dis ? Tu juges les gens sans les connaitre ! Je te connais pas, tu me connais pas. On se connait pas tu vois, alors comment tu peux, comment tu oses dire que je suis comme l'autre bouffon de tout à l'heure ? Tu sais quoi je peux être fier, et j'en suis fier ouais, d'être quelqu'un de principes et de respect ouais, je t'ai respecté, j'ai eu des mots de travers, ouais, ok, et alors ? On s'en fout, c'était involontaire, et juste pour faire la discussion ! La p*tain de discussion bordel ! Et ta question, je veux pas y répondre parce que je veux pas parler d'avant, tu peux comprendre ça ? Tu sais quoi, ton p*tain de chenil justement, ça aurait été un palace, un monstre de palace, tu vois ? T'es contente ? J'ai répondu là, t'es contente, hein ?

J'avais le souffle court, les yeux exorbités, la veine gonflant sur mon front, la gorge sèche. Tout ce que je voulais éviter, je venais de le faire.

Indiana.

Je rêve. Non mais je rêve. Je souffle, essayant d'évacuer un trop plein de colère. Indiana... Oh c'est vraiment mais alors vraiment pas le moment de la ramener toi ! Reste donc là où t'es sinon je me nets après ta peau aussi ! D'accord, d'accord..

Keith m'attrape alors par le bras et me traine hors du bar, une rue plus loin, je ne tarde pas à tirer sur mon bras pour me dégager, serrant les poings quand il me décensuré tout son discours, un chien, ouais, un chien on dirait. Un chien bien énervé qui engueule une pauvre passante. Mais tout ça c'est sa faute. Il avait bien vu qu'avec le crétin c'était pas passé alors il aurait pas dû me parler comme ça ! Je suis désolée, c'est pas possible, quand on se connait pas, comme il le dit si bien, on agresse pas l'autre. Je me mords les lèvres, me retenant de interrompre son joli discours, qu'il finit encore plus brutalement.

- Mais parce que tu le connaissais peut-être, le crétin derrière ? Je me disais bien qu'y avait ressemblance ! Donc je te retourne la question, imbécile, comment tu peux le juger, hein ? Pff. Quand on respecte les autres on les agresse pas, abruti ! T'es aussi fon que ça pour pas réfléchir avant de parler ? Faut croire que oui ! T'es vraiment ridicule. Ça en devient décevant de s'engueuler avec un abruti pareil ! Tu l'as cherché, mon vieux ! Et tu sais quoi ? Retournes-y dans ton palace, avec tes congénères, quoique ce serait une honte d'accueillir un mec pareil chez eux, t'es vraiment con ! T'imagines, même de simples animaux peuvent avoir honte de toi !

Je resserre un peu plus mes doigts dans mes paumes, ne voulant surtout pas le baffer, bien que ça me tente plus que tout. Mais seule avec un mec aussi énervé, j'ai pas confiance. Au lieu de le baffer, je me contente de le bousculer, c'est toujours ça.

C'est une blague ? Oui, c'est obligatoirement une blague. Elle continua à déblatérer moultes insultes à mon égard. Autant de violence verbale réunie dans un seul corps frêle et féminin, c'était fascinant. Ouais, toujours aussi fascinant de l'entendre cracher sa haine. J'en revenais pas. En plus de ça elle me bouscula. C'en était trop. Il fallait que le ton redescende ou j'allais faire quelque chose que je regretterais énormément. Néanmoins, le mien ne fut que très légèrement plus calme.

- Ce mec a essayé de te frapper bordel ! J'ai essayé de te frapper moi ? Non j'ai pas essayé de te frapper moi. On peut se permettre de juger les gens qui se permettent de frapper une fille. Est-ce que je t'ai déjà insultée une seule fois ? Est-ce que j'ai déjà un geste déplacé envers toi une seule fois ? Non, non et non, rien de tout ça, rien, rien ! Et toi tu me traites de chien, de fon, de mal élevé, tu me donnes tous les noms dégradants, et en plus de ça, maintenant tu me bouscules ! Mais t'es sérieuse p*tain ?

Je récupérai mon souffle un instant, avant de reprendre bien plus calmement, en chuchotant presque, le regard perçant et un léger sourire narquois :

- Alors, qui est-ce qui agresse qui, maintenant, hein ?

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