Lunatiques, dites-vous ? [Indiana&Keith] RP FUTUR

Elle tourna la tête pour m'éviter. Elle semblait avoir le souffle coupé par le choc de son dos contre le mur. Je lui faisais mal ? Bah tant mieux, elle le méritait.

Elle voulut me faire croire que je ne lui faisais pas peur. Du bluff à l'état pur. J'étais si près d'elle que je pouvais sentir que son pouls s'était accéléré. Elle ne trompait personne, haha. Mais son sourire était à nouveau inscrit sur son visage. Ce qui m'agaça au plus haut point, vraiment.

Alors que je sentais qu'elle serrait un peu plus le poing pour ne pas lâcher le sachet, j'en fis de même. C'est à dire que je serrai un peu plus les poings pour ne pas lâcher ses poignets. Puis je joignis mon front au sien. Mes lèvres effleuraient presque les siennes. Je pouvais sentir son souffle chaud et son haleine alcoolisée.

- Je te jure, Indiana, murmurai-je, je suis quelqu'un de super gentil d'ordinaire, tu peux me croire ! Mais alors faut juste pas jouer à ça avec moi. Faut pas me piquer mes bonbons. Alors tu vas direct me rendre ma dope ou je vais péter un câble !

Je ne chuchotai pas cette dernière phrase. Au contraire, je la lui hurlai, histoire que ça rentre bien dans son crâne. En prononçant ces derniers mots, j'avais cogné ses poignets contre le mur, en espérant vainement qu'elle lâcherait le sachet.

Indiana.

Keith serra encore plus fort mes poignets. Je me mordais les lèvres pour ne pas montrer à quel point il me faisait mal. J'avais du mal à ne pas grimacer. C'était horrible. Il les serrait plus fort, il me brisait les os, j'en était sûre. Est-ce que c'était possible, seulement ? Non, mais parce qu'il serrait fort, là. Très fort. Trop fort.

A présent, son front était collé au mien. Je pouvais pas bouger, je pouvais pas me défendre, je pouvais pas le repousser. Il était trop près. Même mes jambes étaient coincées, aucun moyen. J'avais aucun moyen de me sortir de là. Horrible. Là, je me sens faible. Quand je peux pas bouger. Quand je peux rien faire. Ses lèvres touchaient presque les miennes. Et j'avais beau essayé de m'aplatir encore plus contre le mur, impossible de m'en décoller, de cet abruti.

"Je te jure, Indiana, je suis quelqu'un de super gentil d'ordinaire, tu peux me croire ! Mais alors faut juste pas jouer à ça avec moi. Faut pas me piquer mes bonbons." Gentil, ou pas. A croire qu'il est vraiment accro à sa merde, là. Pour être aussi violent, faut le faire, quand même. Il peut bien dire avoir des principes. Des principes, tu parles. Il fait le gentil devant les autres. Quand on touche à son truc, il se transforme en super-méchant.

Sa dernière phrase, il la hurlait. Et, comme si me bousiller les tympans lui suffisait pas, il me frappa les poignets contre le mur. Je fermais les yeux, me mordant les lèvres et baissant la tête. Ah bordel de merde, ça fait mal. Trop mal. Beaucoup trop mal. C'est insupportable. D'accord. Alors là, si je réussis à me servir de mes mains après, c'est que mes os sont ultra solides. Ouais, ses principes sont aussi respectés que je suis rousse.

J'inspirai un grand coup. Fallait pas pleurer, pas maintenant. Non, faut pas pleurer devant les inconnus. Les larmes c'est juste un signe de faiblesse. Et je suis pas faible, je veux pas l'être, je suis forte, moi, et rien ne m'atteint. Je connais plus la douleur. Mais là c'est trop. Beaucoup trop. Alors forcément, y en a une qui se barre. Une qui se la joue à la Rebelle. J'attends qu'elle se soit définitivement taillée avant de relever la tête, rouvrant les yeux.

- T'es vraiment un salop, Keith.

Je lui faisais mal, ça se voyait. Alors pourquoi elle insistait ? Quel était le problème à me rendre ce qu'elle venait de me voler ? Je n'aurais jamais réagi de cette manière si elle n'avait pas fouillé mes poches. Et si elle n'avait pas été aussi tenace.

Au moment où je cognai ses poignets contre le mur, il y eut un silence. Indiana, tête baissée, tenta de ravaler une larme qui coulait de sa joue. En vain. Elle rouvrit les yeux et m'insulta, à nouveau. Mais de salaud cette fois.

Et elle avait raison. Mon comportement était complètement ridicule et tout à fait à l'opposé de ce que je suis d'habitude. J'étais juste une bête, une brute, sans réelle conscience de ce que je faisais, du mal que je lui causais. Mais j'étais incapable de me contrôler. Jusqu'au moment où j'aperçus cette fameuse larme. A cet instant, je réalisai enfin que je faisais le con et que, comme le disait si bien Indiana, j'étais vraiment un salaud.

A ces mots je faiblis quelque peu, desserrant légèrement mes doigts autour des poignets de mon souffre-douleur, mais ne les lâchant pas pour autant, juste les faisant redescendre le long de ses jambes. Puis je reculai de quelques centimètres, pour la laisser respirer un minimum.

- Tu sais quoi ? Ouais, je suis clairement un salaud pour le coup. Mais faut me croire, c'est pas moi, sincèrement c'est pas moi hein, c'est à cause de... De ce.. Truc là, dans ta main. Cette merde. Ça me rend dingue. Donne le moi, je te jure que je te ferai plus de mal.

Mes yeux étaient rouges de colère, mais commencèrent également à s'embuer, face à cette réalisation des plus honteuses. C'était certain, j'étais un crétin de premier choix.

Indiana.

Il finit par desserrer mes pauvres poignets, sans pour autant les lâcher. Même juste légèrement, j'avais l'impression de mieux respirer. Si je n'ai pas de traces rouges tout à l'heure, ça veut dire que je suis une extraterrestre. Et encore, même un extraterrestre marquerait après ça... Je soufflais, se redressant. Un bel abruti, un imbécile comme pas deux, un enfoiré.

Je l'écoute déblatérer son malheureux discours. J'en ai rien à cirer. Il est peut-être gentil, oh oui, mais pas là, non, pas là, en ce moment, avec moi. Pour moi, c'est juste une brute stupide. Une brute stupide accro. Accro et qui ferait tout et surtout n'importe quoi pour son foutu bordel. Il aurait fait quoi, après, il m'aurait baffée, peut-être ? Il m'aurait battue jusqu'à temps que je lui rende son vulgaire sachet de mes deux ? N'importe quoi. Ils sont où, ses principes, là ?

J'arrivais à peine à desserrer mes doigts, même avec le fait qu'il ait légèrement relâché mes poignets. J'avais l'impression qu'ils étaient figés, pris dans la pierre, et que je ne pouvais plus les bouger. Ça fait mal. Un peu. Je serrais les dents, faisant glisser le sachet entre mes doigts.

- Vas-y. Reprends ta merde. Reprends ta merde et lâche moi. Lâche-moi ou je t'en décolle une.

De toute façon, je réussirais pas à le baffer. Mes poignets sont broyés, je sens à peine mes mains, mes doigts j'en parle pas. Paralysés. Ouais, j'ai l'impression. Mais ce n'est qu'une impression. On m'avait jamais fait aussi mal. Physiquement parlant. Jamais. Je m'étais prise quelques gifles, comme tout le monde, principalement de la part de ma très chère maman, quand je faisais des bêtises. Mais jamais, Ô grand jamais on m'avait fait aussi mal que ce qu'il venait de faire. Au moins, il t'aura fait vivre une première fois, voyons le bon côté des choses. Y a pas de bons côtés.

Je remuai lentement mes doigts, baissant la tête vers ceux-ci. J'ai jamais été aussi blanche, ma parole. Jamais. Même en plein hiver, j'ai la peau légèrement mate, vous pouvez le voir. Il a vraiment bien serré, l'enculé. Dommage que je puisse pas le baffer, je vous assure, je me retiendrais pas...

Elle fit finalement glisser le sachet de sa main, en me crachant avec mépris que je pouvais le reprendre, et, tant qu'à faire, la lâcher. Le principal était qu'elle me le rendait. Enfin. Je récupérai alors le sachet, puis le glissai dans la poche arrière de mon pantalon, puisqu'elle n'irait sans doute pas le chercher là-bas, huhu.

A son contact, je retombai presque en enfance, dans ce genre de moment où le gosse va au parc avec sa mère, et qu'il y perd son ours en peluche, auquel il tient comme à la prunelle de ses yeux. Le gosse hurle, pleurt, pète un câble. Jusqu'à ce qu'on retrouve finalement l'ours près du toboggan. A cet instant, le gosse perd toute furie et est soulagé de retrouver l'affection, la douce compagnie de sa peluche. Et il oublie le comportement odieux, et le mot est faible, qu'il a eu quelques minutes auparavant. J'étais cet enfant en ce moment. Sauf que j'étais bien conscient de ce que j'avais fait endurer à Indiana.

Elle remua ses doigts qui étaient certainement un peu paralysés par ma poigne. Je me sentais tellement idiot, et ignoble, d'avoir réagi de la sorte avec elle. Mais elle ne pouvait pas comprendre. Personne à part certaines connaissances, ne pouvait comprendre. Quand tu je me suis retrouvé à la rue, je n'avais que peu de compagnie. Seulement ces quelques connaissances, mais il faut dire qu'elles ne sont pas toujours douces. Ce qui se trouve dans ce sachet, c'était comme mon ours en peluche. Peu de personnes peuvent le comprendre, tant qu'elles n'ont pas vécu tout ça.

Je posai mes mains sur sa taille, et déposai une bise sincère sur la tempe d'Indiana.

- Merci, et désolé. Les mots sont trop faibles, chuchotai-je.

Indiana.

J'étais dans l'obscurité, j'avais laissé une larme s'échapper, et on m'avait fait du mal. Physiquement, cette fois, mais on m'avait fait du mal. Et j'étais seule avec ce mal. Ça me rappelait étrangement lorsque j'étais petite. J'étais seule, j'avais mal, et je pleurais. Sauf que j'avais grandi. J'avais 13 ans de plus, et j'étais plus forte. Plus forte mais pas indestructible. Et c'est bien ça le problème. On arrivait encore à m'atteindre. Mais fallait pas. La défense avait faibli. Maintenant, fallait la fortifier de nouveau. Et ce serait peut-être plus compliqué...

Mes poignets lâchés, je remonte les manches de mon manteau. De biens belles marque rouges. Tant mieux, nous sommes en hiver, je porte pas de manches courtes. Oui, parce qu'il aurait pu me battre, j'aurais tout fait pour le cacher. J'aime pas me plaindre aux gens. A l'intérieur de ma tête, ça va. Mais sinon, j'aime pas ça. Quand j'ai essayé de le dire, on m'a ri au nez. Donc maintenant je me tais. Et de toute façon, ça n'intéresse personne, donc pourquoi le dire ? C'est pas aujourd'hui que ça va changer.

Je sens alors ses mains sur ma taille. Je veux pas qu'il me touche, je veux plus qu'il me touche pour me faire du mal. J'ai pas envie qu'il recommence, ça fait trop mal, et les souvenirs remontent, ça me fait peur. Il me fait peur maintenant. Ah non, quand même, ils vont pas recommencer à pleurer, quand même, ces putains d'yeux, là. Je supporte pas de pleurer, j'ai assez pleuré plus jeune, je veux plus pleurer. Je relève la tête, inspirant un grand coup pour ne pas m'effondrer. Ça le fait pas. Mais alors vraiment pas. On pourrait même pas accuser la pluie, il pleut pas. Donc inutile de s'acharner, vous ne pleurerez pas, foutus yeux.

Alors qu'il m'embrasse sur la tempe en murmurant des excuses dont j'ai rien à faire, j'essuie encore une traîtresse, qui n'a pas le temps d'aller s'écraser plus bas. Voilà, Indiana la petite fille faible. Elle est revenue. Mais faut qu'elle reparte. Pour toujours.

Je pose mes mains sur son torse dans l'espoir de le faire reculer, mais mission impossible, j'y arrive pas, ça fait un peu trop mal pour le moment, encore. Et puis j'en ai pas vraiment envie, faut le dire. Parce que même s'il m'a fait du mal, je veux encore moins me retrouver seule. Je préfère qu'il me plaque encore contre ce mur, en serrant encore plus fort mes poignets à m'en briser les os mais je veux pas être seule. Je veux plus être seule. J'ai peur de la solitude, encore aujourd'hui. Et j'essaie de me battre, contre cette putain de peur avec laquelle j'arriverai jamais à rien, si elle ne s'en va pas. Mais c'est dur. Pourtant, je devrais être habituée, à force, à être seule. J'ai passé les 16 premières années de ma vie toute seule, ça devrait être simple. Mais c'est tout le contraire.

- C'est pas grave.

Il faisait nuit noire. Depuis bien longtemps, certes. Mais malgré l'obscurité, j'aperçus quelques larmes roulant le long de ses pommettes, puis de ses joues. Je me sentais de plus en plus con. Elle pleurait à cause de moi, uniquement à cause de moi. Elle posa ses mains sur mon torse, après avoir regardé ses poignets, qui devaient la faire souffrir.

"C'est pas grave", me dit-elle.

"C'est pas grave." Elle se fout de moi ou quoi ? Je venais de lui cogner le dos contre le mur, de lui éclater les tympans à lui hurler dessus, et de lui briser les os des poignets. Et c'était pas grave ? La blague. J'attrapai le plus délicatement possible ses avants bras pour ne pas la brusquer, qu'elle n'aille pas croire que je voulais à nouveau lui faire du mal. Puis j'observai l'ampleur des dégâts. Ses poignets étaient rouges, voire bleus à certains endroits. J'avais tellement honte.

- Non mais regarde ça, répondis-je tout en gardant mes yeux rivés sur le résultat de ma crise. Tu peux pas dire que c'est pas grave. Mais merde, je suis un monstre.

Je m'énervai à nouveau. Mais cette fois pas contre elle, encore heureux. Non, là j'étais vraiment énervé contre moi. Je n'avais vraiment pas contrôlé ma force. En fait, je n'avais absolument rien contrôlé.

Mon regard s'embua. Je ne voulais pas pleurer, surtout pas. Ce n'était pas mon genre, je n'avais absolument pas l'habitude de pleurer. Surtout que ma fierté masculine me l'interdisait. Mais l'alcool aggravant les humeurs et les réactions, je ne pouvais empêcher les larmes de me monter aux yeux. Enfin je parvins tout de même à n'en faire couler aucune, serrant les dents pour les retenir.

- Indiana... T'imagines même pas à quel point je m'en veux, repris-je en posant mon front sur le sien. Je sais pas quoi te dire, ou faire, pour que je puisse être pardonné.

Indiana.

Lorsque Keith attrape mes poignets, et même s'il fait doucement, je sursaute, prête à m'enfuir même si, s'il me faisait du mal et qu'il rattrapait mes poignets, je ne pourrais pas aller bien loin. Je me mords les lèvres, un peu angoissée. Oui, j'ai peur. J'ai peur de lui. Je devrais peut-être pas, mais il me fait peur, là, maintenant, tout de suite.

Il regarde mes poignets, me faisant remarquer que si, si c'est grave, s'énervant en disant qu'il est un monstre. Non, non, c'est rien, c'est pas grave. Enfin si, mais non. On oublie, on y pense plus. Je veux plus y penser, sinon ça revient. Et je veux pas que ça revienne, ces images. C'est moi, petite, devant cette pauvre fenêtre, partant ensuite m'effondrer sur mon lit en racontant mes espoirs à mon ours en peluche. C'est ridicule. C'est ridicule mais ça fait mal.

Il s'en veut, dit-il. Il s'en veut mais on va plus en parler. Je rabaisse rapidement mes manches, les attrapant entre mes doigts pour être sûre que mes poignets ne se découvrent pas. Là, voilà, c'est bien. Lorsque je redresse la tête, Keith a posé de nouveau son front contre le mien. Encore tout près. Sûrement trop.

Je baisse les yeux. Redevenir Indiana, la vraie. Là on a enlevé le masque, et on est vulnérable. La preuve, on a pleuré. Alors qu'il fallait pas. Devant un inconnu. Faut se reprendre, et effacer cette petite Indiana fragile. Là, faut remettre la barrière, la muraille. C'est bien de le dire, mais c'est mieux de le faire. Mais là, tout de suite, j'y arrive pas.

- Faut pas. C'est rien, d'accord ? Ne fais rien... Keith...

Je relève les yeux vers lui, remarquant que ses yeux brillent. Ils brillent bien. Il est peut-être pas totalement con, il est peut-être pas totalement abruti, pas totalement une brute, va savoir. Je sais pas. J'ai un peu la tête qui tourne...

Indiana cacha ses blessures sous ses manches, et m'assura que ce n'était rien. Je me sentis vulnérable, à "pleurer" et à avoir besoin d'être rassuré. Comme un gosse, on y revient toujours. Un gosse qui a fait une connerie, qui a besoin d'être rassuré et qu'on lui dise que ce n'est pas grave, alors qu'au final il a brisé le précieux vase de la grand-mère.

"Faut pas. C'est rien, d'accord ? Ne fais rien... Keith...", chuchota-t-elle.

Elle était si près que je pus à nouveau sentir son souffle, qui réchauffait cette froide nuit d'hiver. Je sentis également l'humidité des larmes sur ses pommettes. Et me rappelai encore que c'était moi qui les avais faites couler. Ce qui me fit rager.

Je reposai alors mes mains sur la taille d'Indiana, elles s'y installaient parfaitement. Puis, dans un élan d'inconscience et de non-contrôle, je ne résistai pas à l'envie de l'embrasser à nouveau. Pourquoi ? Bonne question. Sans doute pour, en quelque sorte, me faire pardonner. Ou pour me rattraper. Ou alors c'était une manière de réconciliation, comme les couples après une dispute. Sauf qu'on n'était pas en couple, que d'ailleurs - et j'avais tendance à l'oublier - je ne la connaissais que depuis quelques heures à peine, et que la légère îvresse que je ressentais devait y être pour quelque chose. Ou enfin, parce que ses lèvres trop près des miennes avaient agi comme des aimants ; mais ça, c'était une certitude. Toujours est-il que ce baiser était plein de sens, allez savoir lequel ou lesquels, mais somme toute très agréable. Et très imprévu ; ça aussi, on y revient toujours.

Indiana.

Alors que je regarde ses yeux, ses mains reviennent à leur précédente place, autrement dit, sur ma taille. C'est bizarre, juste à cause de son truc, là, y a deux minutes il m'a sauté à la gorge, et maintenant, il est aussi doux qu'un agneau. A croire que lui aussi, il doit pas être bien dans sa tête. J'ai jamais dit ça. Tu le penses, alors ? Non. Enfin, toujours est-il que ça fait bizarre.

Et y a pas que ça, d'étrange. Je connais Keith depuis quelques heures à peine, on s'est déjà engueulés - trois fois si j'en oublie pas, ou quatre, peut-être, je sais plus trop - puis on s'est réconciliés, on s'est embrassés, je lui ai collé une baffe, il m'a broyé les poignets, il s'excuse... Non, franchement, j'ai jamais fait ça en si peu de temps. Avec une seule personne. A la limite, on s'engueule avec une, on en gifle une autre, on en embrasse encore une autre... Mais pas ça avec une même personne en à peine quelques heures. L'alcool aide, certes, mais ça n'empêche que c'est la première fois. Et que c'est vraiment bizarre.

Et je suis encore une fois surprise, quand ses lèvres touchent les miennes. Je suis surprise mais je ne le repousse pas, pas une deuxième fois, non. Et puis, de toute façon, on va pas mentir en disant que c'est désagréable. Et, je sais pas, mais même après ce qu'il a fait, ça me rassure. A croire que je déteste pas mon bourreau. Syndrome de Stockholm ? Horreur. De toute façon c'est pas possible, je suis déjà atteinte. Et ben ça en ferait un de plus. Tais-toi.

Je finis quand même par le repousser, doucement, parce que, de toute façon, je suis pas capable de faire plus fort, c'est limite si je le pousse. Et que j'aurais pas pu m'écarter, vu que je suis encore bloquée par ce mur, comme j'ai pas bougé. Très honnêtement, si je pouvais je recommencerais, mais je sais que faut pas déconner, ça serait vraiment trop bizarre.

A croire que j'aime la bizarrerie, puisque je me suis ré-approchée de lui - enfin, vu comme je l'avais poussé, j'ai à peine bougé - et que, cette fois-ci, c'est moi qui l'embrasse. Encore.

Après quelques instants, Indiana me repoussa légèrement, très légèrement. Ses poignets devaient lui faire tellement mal qu'elle n'aurait pas réussi à me pousser plus fortement je suppose. Je me sentis touché dans mon orgueil du fait qu'elle me repousse, chose que, sans prétention, je ne comprenais pas. Je lui lançai alors un regard d'incompréhension, en fronçant les sourcils.

Mais mon abasourdissement fit très rapidement place à une autre forme de surprise, lorsque, finalement, elle se rapprocha de moi pour m'embrasser à son tour. Une surprise, ça c'est sûr. Je ne m'y attendais absolument pas. Mais ça ne me déplut pas pour autant, au contraire même, j'étais ravi de ne pas avoir reçu de vent monumental.

Je frissonnai de froid. De froid. Il faut dire que des courants d'air venaient parfois s'engouffrer dans cette sombre ruelle, rafraichissant considérablement la température du lieu.

Dans un élan soudain, un de plus, je la serrai un peu plus fort contre moi. Et mes mains, jusqu'alors posées sur sa taille, se glissèrent discrètement sous sa veste et son pull. Elles étaient gelées, son dos les réchauffa rapidement, à ma plus grande satisfaction.

[court et pas top du tout, sorry ~]

Indiana.

Lorsque Keith m'attire un peu plus contre lui, je sens quelque chose de froid dans mon dos. De très froid, même. C'est lui, ses doigts, ses mains. Qui ont visiblement glissé de ma taille à mon dos. Et pas par-dessus tout ce que je porte. Enfin tout, mon manteau et mon pull, quoi. Donc, autrement dit, directement sur ma peau. La fraîcheur de ses mains m'arrache un frisson. Oui, son froid. Et pas autre chose.

Donc, oui, mais non. Y a des limites. Donc oui, il pouvait passer ses mains dans mon dos. Sous mon manteau, à la limite. Mais non, pas les mains sous le pull. Moment de lucidité. Juste un peu plus pompette et je l'aurais laissé faire. Je te bénis, verre que je n'ai pas bu. En fait, très honnêtement, ça me gêne pas plus que ça. Mais disons qu'y a quand même des limites. Faut pas rêver.

Passant mes bras dans mon dos, j'encercle ses poignets de mes doigts, finissant par retirer ses mains de dessous mon pull, lentement. En même temps, je peux pas faire très vite, j'ai un peu de mal encore, avec ces pauvres poignets. Je m'écarte de lui doucement, relâchant ses poignets, secouant légèrement la tête avec un sourire. Eh oui, mon coco, faut pas déconner, quand même, mon petit chéri... Je rentrent mes mains dans mes poches de manteau, refermant les pans autour de moi avant de m'éclipser, sortant de la rue rapidement.

J'aime bien, ça m'amuse, de le planter là. Oh, si je le revois à l'école, il risque de râler, ça m'étonnerait pas beaucoup. Quoique s'il a la mémoire courte et s'il est pas rancunier, tout va bien...

Je sentis à un moment donné les doigts d'Indiana entourer mes poignets, puis retirer lentement mes mains de son dos. Il fallait s'y attendre, des mains gelées glissées directement sur la peau chaudement couverte jusque là par des vêtements, forcément il y a plus agréable. Enfin bref.

Elle secoua la tête en souriant, montrant de ce fait son refus. Heureusement, elle sembla ne pas le prendre mal. Je lui rendis alors son sourire, en hochant la tête et levant les épaules genre "au moins j'aurais essayé, huhu".

Rentrant ses mains dans les poches de sa veste, elle s'éclipsa rapidement et sortit de la ruelle, à ma plus grande surprise. Je restai immobile un instant, la regardant disparaitre petit à petit dans la pénombre, avant de réaliser qu'elle me plantait définitivement. Elle était encore assez près pour m'entendre, alors j'hurlai son prénom. L'écho le fit résonner. Indiana ne se retourna pas. Ébahi par tant d'ignorance de sa part, je ris comme un idiot. Puis je l'apelai à nouveau, encore un peu plus fort. Pas de réaction. Alors je courus pour la rattraper. Allez savoir pourquoi, je voulais un au revoir digne. Rien d'important de toute manière, puisque l'on allait certainement se recroiser dans les couloirs ou la cour d'Enamor. Mais tout de même. Je ne tenais pas à rester sur ma faim, j'entends par là frustré, enfin je veux dire que... Enfin merde. Je ne voulais pas que ça se termine ainsi. Alors je courus pour la rattraper.

Une fois à son niveau, je l'attrapai pas le coude et l'attirai vers moi, et lui fis un câlin. Pourquoi ? Aucune idée réelle. Mais ce n'était pas un câlin ambigu entre amitié et attirance, juste un câlin presque fraternel, que j'aurais fait à ma petite sœur. Non pas que je la considérais comme tel, mais c'était difficile à expliquer. Bref.

- Tu comptais pas partir sans me dire au revoir quand même ? lui demandai-je en souriant et en lui faisant une petite bise sur le haut du crâne.

Indiana.

J'entendais Keith m'appeler, mais je ne me retournais pas. J'allais m'enfuir, et l'éviter un certain moment. Effectivement, j'avais besoin d'un peu de temps pour me remettre de ces émotions. Et mes poignets aussi. Mon dos, peut-être, mais il aurait besoin de beaucoup moins de temps que mes pauvres poignets. Rouges, et bleu par endroit. On aurait été en France, avec mes mains blanches de tout à l'heure ça aurait fait très patriotique huhu.

Il fait froid, il neige et il fait noir, dans cette ruelle. Y a pas de lampadaires ici, bien malheureusement. Mais je réussis à me guider avec la lumière de la grande rue, en face. J'aurais bien été embêtée de me perdre dans une rue pareille. En fait, j'aurais dû demander à Keith de me raccompagner jusqu'à Enamor. Il pouvait bien après tout, après m'avoir fait du mal. Et il en avait profité, de ces baisers. Ça devient grave. J'ai embrassé un mec dont je connais seulement le nom et le prénom.

J'entends des pas dans mon dos, mais je ne m'affole pas, je sais que c'est lui. Tout du moins je l'espère, d'un côté. D'un côté seulement. Parce que, comme je l'ai dit, faudra que mes poignets s'en remettent, avant de le recroiser. Juste histoire de quelques précautions. On m'attrape alors le bras et m'attire en arrière. Je me retrouve alors contre lui, ses bras me serrant. D'accord, c'est à ne rien y comprendre.

Indiana, qui est ta première rencontre ? Il s'appelle Keith. Vous êtes amis ? Euh... Ben disons qu'on s'est engueulés, il m'a briser les poignets, je lui ai collé une baffe, on s'est souris, on s'est aussi embrassés... T'appelerais ça comment toi ? Ah, et après il m'a fait un câlin. Mais tout à fait innocent, le câlin. Voilà, alors ? Non, sérieusement, c'est quoi ce délire ? Je comprends pas moi-même alors que j'en suis en partie responsable.

Il m'embrasse alors sur le haut de la tête, me demandant si je comptais vraiment partir comme ça, sans lui dire au revoir. A ton avis ? Bien sûr que oui. Écartant un peu ses bras avec difficulté - mes poignets - je me tourne face à lui, sans pour autant me défaire de ses bras.

- Très honnêtement, je crois qu' oui. Pourquoi, tu voulais me raccompagner ?

Je laisse un sourire m'échapper. Bien joué, Indi. Je sais. T'es revenue. J'avais remarqué. Et je repartirai plus jamais. Indiana la petite fille faible c'est fini, je veux plus. Mais ça se contrôle pas, Indi. Va falloir.

Indiana se retourna vers moi et, d'un sourire narquois qui je pense finirait par m'être familier, me répondit que, oui, elle comptait effectivement partir sans me dire au revoir. Je fis une moue de mécontentement, tel un gamin. Un gosse, on y revient toujours.

"Pourquoi, tu voulais me raccompagner ?", enchaina-t-elle.

Un peu oui. Elle me faisait marrer, alors autant qu'elle me fasse me marrer sur le chemin du retour, nan ? Enfin l'hypothèse de rentrer seul était envisageable, et bien qu'elle n'était pas celle que je préférais, elle me convenait tout de même.

- C'est pour toi hein !, répondis-je en écarquillant les yeux et en souriant. C'est juste qu'on est assez loin d'Enamor là, si tu connais pas bien la route ça risque d'être compliqué. Et puis à cette heure ci, y a pas que des gens nets, vaut mieux être accompagné, au cas où...

"Si tu vois ce que je veux dire."

Au pire, le fait de rentrer seul ne me dérangeait pas. C'était plutôt de la laisser rentrer seule, dans le noir, avec des gens mal intentionnés qui rôdaient. C'est ça qui me dérangeait. Instinct protecteur, forcément. Je ne me prenais pas pour Superman non plus, à défendre la veuve et l'orphelin, mais il m'était impossible de la laisser repartir seule. Sachant en plus que l'on allait au même endroit. Ce serait idiot de prendre deux chemins différents pour au final avoir la même destination.

Indiana.

Rien que d'y penser, j'en frissonne. Aux gens pas nets. J'ai toujours eu peur de ça. Mais 16 années à New-York devraient t'aider ! Pas quand on habite les quartiers les plus chics. On se croirait sans une petite ville tranquille sans problème, coupée de tout mais avec beaucoup de ressources. Non, franchement, même à Carson City, c'était calme. Mais ici, vu les gens qu'on y croise, oui mieux vaut être accompagné. Parce que ça fait peur. Enfin ça me fait peur. Mais je le laisse pas paraître.

- T'es gentil, Lucky Luck. Parce que non, je connais pas bien le chemin.

Je suis venue dans l'autre sens, je sais pas comment j'ai fait, vu que je me suis un peu perdue en cherchant un bar... Mais j'étais complètement sobre en arrivant. Pas là. Enfin je suis pas bourrée non plus, non. Eh beh oui, les sautes d'humeur brusques sont loin d'être dues à l'alcool. Mais on en a déjà parlé, me semble-il.

Je me dégage de l'étreinte de mon très cher ange gardien. Enfin, façon de parlere car pour Keith, je dirais plutôt démon gardien. Ou un peu des deux, vu qu'il passe rapidement de gentil et doux à méchant et violent, donc bon... Mi-ange mi-démon, on va dire. Mais je m'égare là, bref. Puis je commence à m'éloigner pour arriver au fond de la rue, enfin au bout, là où y a enfin vraiment de la lumière. Je m'arrête, attendant que Keith me guide, rentrant le menton dans le col de mon manteau lorsqu'un courant d'air se fait sentir.

Indiana accepta finalement que je la raccompagne. "Sinon elle ne retrouverait pas le chemin" apparemment. Il n'y a pas de honte à être anxieux à l'idée de rentrer seul, l'alcool dans le sang, dans des rues sombres et gorgées d'insomniaques aux idées malveillantes. Mais ce n'était pas son excuse. La fierté, certainement. Enfin qu'importait, le principal était qu'elle accepte que je la raccompagne.

Une fois l'étreinte achevée, nous sortîmes donc de l'étroite ruelle pour en rattraper une nouvelle, plus lumineuse, moins inquiétante. Un courant d'air vint à nouveau glacer l'air. Indiana se couvrit le menton dans le col de son manteau, attendant visiblement que je lui indique le chemin. Je rentrai les mains dans mes poches, en pleine réflexion. A droite ou à gauche ? J'avais beau bien connaitre les environs à présent, la nuit c'était complètement différent. Surtout que je n'étais pas complètement sobre. Mais j'avais tout de même un minimum d'esprit pour m'y retrouver.

- C'est par là, dis-je en indiquant la droite d'un coup de menton.

Finalement, j'avais presque hâte de rentrer. Toutes les péripéties de la soirée, en plus des cours de la semaine, m'avaient épuisés. Aussi, le froid devenait vraiment rude. J'aurais dû avoir l'habitude, ayant vécu avec pendant ma déchéance d'un an et demi, à trainer dans les rues canadiennes sans forcément avoir de quoi se réchauffer. Mais non, on ne s'habitue pas au froid. Pas moi, en tous cas.

Indiana.

Keith me rejoignant, indique après un moment de réflexion le chemin à suivre. A droite. A droite... Ben oui, à droite. Je secoue légèrement la tête avant de partir vers le chemin qu'a indiqué Keith. J'ai toujours eu des problèmes avec ma droite et ma gauche - et encore, ça c'est amélioré - mais la fatigue et ce que j'ai bu n'ont rien arrangé. Et je ne me cherche pas d'excuses, détrompez-vous.

En tout cas, la soudaine lumière de la rue que nous venons d’empreinter me pique les yeux. En même temps, on est restés pas mal de temps dans cette rue sombre et étroite. Très sombre et très étroite, vu qu'on voyait à peine ce qu'on faisait et que si on reculait un peu, on se prenait le mur derrière nous. J'en ai fait les frais. Mon dos et mes poignets, principalement. Mais oublions, c'est rien.

- Est-ce que tu crois qu'on peut quand même réussir à se faire discret, là-bas, à Enamor ?

Indiana, ça fait très suspect. Je sais. Et je m'en mords les doigts. J'aurais dû me taire. Ou poser une question beaucoup plus banale. Là, oui, il va sûrement penser que je cache quelque chose. Quoique, si il fait pas vraiment attention, si il a les pensées embrouillées par l'alcool... Après tout, il était au bar avant moi, si ça se trouve il a bu un verre ou deux de plus. Avec de la chance.

Sur le chemin du retour, Indiana me posa une question à laquelle je ne m'attendais pas vraiment.

"Est-ce que tu crois qu'on peut quand même réussir à se faire discret, là-bas, à Enamor ?"

Si on peut se faire discret ? Difficilement je crois. Ou alors, il faudrait vraiment se cacher dans sa chambre à longueur de journée, ne parler à personne, et ne sortir que pour les cours et manger. Et encore, certains trouveraient ça suspect. Non, vraiment, il est compliqué de ne pas se faire remarquer.

- Sincèrement, sans vouloir te faire peur, je pense que non. Tu peux toujours essayer hein, mais de ce que j'ai vu pour le moment, tout le monde parle sur le dos de tout le monde. Par exemple, moi, je voulais rester discret, sans qu'on entende vraiment parler de moi. Et au bout de quelques jours, j'étais déjà sur le panneau d'affichage.

Rien de bien grave en somme. Le sujet de l'affichage ne me concernait pas directement, puisqu'il s'agissait de l'histoire entre Spencer et Alex. Mais je fus tout de même surpris d'y voir mon nom inscrit. En espérant qu'Indiana saura se faire plus discrète que moi. Mais ça m'étonnerait, sachant qu'elle n'a pas vraiment la langue dans sa poche.

Indiana.

Bingo. Donc, donc. C'est pas possible. Pas possible de rester discret. En gros, tout le monde va me prendre pour une débile, tout le monde va savoir que je suis faible, que cette image de fille forte c'est n'importe quoi, tout le monde saura ce que j'ai vécu, tout le monde saura que j'ai peur de la solitude, que je pleure plus souvent que je ne le fais croire et... Indiana, calme-toi, personne ne saura tout ça si tu n'en parles pas. Et sachant que tu ne parles pas de toi, tout ira bien, Bee. J'espère.

T'imagines, même lui au bout d'un ou deux jours, il était sur le panneau d'affichage. Mais comment c'est possible ? Y a pas quelqu'un qui nous épie constamment, analyse nos faits et gestes ? Une personne invisible, qui crache sur le panneau que nous avons fait ci et ça, que nous avons dit ci et ça ? Non, c'est pas possible. A part si y a un fantôme... Non mais c'est existe pas, Indi, les fantômes. On sait pas, comment finisse les personnes défuntes, leur âme, hein ? Tu psychotes, là, détends-toi...

J'enfonce un peu plus mes mains dans mes poches. Et si quelqu'un, cette personne, là, était là, tout à l'heure, quand je lui ai volé sa merde. Sherwood ! Quoi ? Déstresse bon sang ! Oui, d'accord, d'accord.

- Ah ouais, quand même.

Y a pas vraiment beaucoup de monde, ce soir... Enfin, je veux dire, dans les rues. En même temps, c'est souvent dans les rues des boîtes de nuit, des bars pas vraiment recommandés, qu'on trouve des gens, pas vraiment très fréquentables... Qui, si tu les regardes de travers, vont s'occuper de toi. Enfin bon. Y a pas beaucoup de gens, ou alors des gens de notre âge, sur le trottoir d'en face, qui doivent aussi rentrer chez eux. Et qui ne veulent du mal à personne, vu qu'ils doivent aussi être un peu ronds. Ou carrément défoncés, vu le mec et la nana, là-bas, dans les quatre de l'autre côté. Enfin, je dis ça, je dis rien... C'est juste que sobre, j'ai jamais parlé à un lampadaire. Mais y a des gens bizarres partout, après tout...

C'est vrai que cette histoire de panneau d'affichage était inquiétante. Il fallait faire attention à ses moindre faits et gestes. Enamor est une université géniale, mais il y a toujours ce sentiment d'être épié, observé, n'importe où et n'importe quand. Si ça se trouve, on m'a déjà vu fumer autre chose que mes banales cigarettes. Ou même sniffer. Mais ça m'étonnerait, j'ai toujours été à peu près discret avec ça. A moins qu'il y ait des fouines jusque dans ma chambre ou les toilettes, huhu. Le pire, c'est que c'est possible.

Et à savoir qui gère tout ça, aucune idée. Peut être s'agissait-il d'une seule personne, ou d'une organisation, ou de tout le monde, et n'importe qui. Bref, je m'égare. Le principal était que personne ne découvre mon passé. Mais ça, peu de risques, je n'en parlais à personne.

Un peu plus loin, sur le trottoir d'en face, un quatuor de jeunes gens semblaient rentrer chez eux, qui avaient l'air bien jetés vu la discussion visiblement passionnée et passionnante que deux d'entre eux entretenaient avec le lampadaire. Pourquoi pas, après tout, les lampadaires aussi on droit d'avoir de la compagnie, haha. Je débloque. Mais ces gens me firent rire.

- On est bientôt arrivés je crois, dis-je finalement à deux rues de l'université.

Je baillai un coup. La fatigue se faisait sentir.

[court et naze, pardon.]

Indiana.

Demain faut que je fasse le tour de l'établissement, et après le tour de la ville. J'aime pas m'aventurer dans un endroit que je ne connais pas franchement bien. Donc comme ça, je ferai mes repères, et tout ira bien. Faut surtout que je passe - ou plutôt que je cherche - la salle d'arts. Ce sera ma maison. Je préfère m'enfermer dans des histoires qu'on dessine que dans une histoire que j'ai vécu. Ouais, j'ai toujours eu un problème avec cette pièce, la chambre. J'y ai trop vécu, faut croire.

Keith dit que nous sommes bientôt arrivés. Je crois que je me souviens un peu de ces rues, là. Enfin, j'en suis pas vraiment sûre. Mais ça me dit quelque chose. Et puis je suis impatiente de rentrer. Même si j'aime pas ma chambre, j'ai tellement envie de dormir que j'ai envie de m'écraser sur mon lit. Et de pioncer après le voyage et tout ce qui vient de m'arriver. Faut que je dorme, pour ne pas qu'Indiana la petite fille faible resurgisse.

Nous ne tardons pas à arriver devant l'école, et après la grande montée qu'il faut presque escalader, nous sommes dans la cour. Oh, bon sang, j'ai plus de jambes, moi... Faudrait voir, si y a pas une autre entrée, ou une sortie, quitte à faire le tour du bloc, parce que monter ça, ça risque d'être chaud. Surtout en rentrant après être sortie.

Il neige toujours, à croire qu'on va finir ensevelit sous toute cette couverture blanche. Franchement, j'aurai pu aller voir dans des pays plus chaud. Comme par exemple... Le Brésil. Ou alors, je restais aux Etats-Unis et j'allais faire un tour en Californie. T'avais besoin de partir, Indi. Je sais. Mais mon frère est sûrement resté aux Etats-Unis, et j'ai tout foiré en venant ici. Je découvrirai jamais qui il est, je le retrouverai jamais.

- Même si tu venais ici, merci de m'avoir raccompagnée.

On arriva presque à l'école. Ne restait plus que cette horrible montée à grimper. Il faut dire que je n'avais pas pris la route la plus facile, j'aurais en effet pu éviter cette montée, mais le chemin aurait été beaucoup plus long et, au final, notre niveau d'énergie aurait été le même à l'arrivée.

Et en effet, comme prévu, la côte fut rude. Le froid pesait lourd, le vent et la neige n'aidaient forcément pas, et je ne sentais plus mes pieds qui s'enfonçaient un peu plus à chaque pas. Mais heureusement, on parvint au sommet assez rapidement.

Nous étions donc enfin à l'entrée de l'université. Je voyais le bâtiment des dortoirs, que j'allais bientôt rejoindre. J'avais hâte, j'étais fatigué. Une bonne nuit de sommeil me ferait le plus grand bien après tout ceci. Et puis, maintenant que nous étions en vacances, il était inutile de se lever tôt. Quoique, les grasses matinées ne sont pas vraiment mon truc. Enfin bref, je dormirais autant que je le voudrais.

"Même si tu venais ici, merci de m'avoir raccompagnée", dit alors Indiana, une fois dans la cour.

Sa remarque me fit sourire. Il m'en faut peu, certes. Mais cela me fit plaisir.

- C'est normal, répondis-je simplement. J'allais pas te laisser rentrer seule hein, et puis comme tu l'as dit, on allait au même endroit. Donc autant rentrer ensemble. Pas de souci.

Indiana.

Keith sourit, me répondant que c'était normal, qu'il n'allait tout de même pas me laisser seule, qu'il n'y avait aucun souci. Oui, mais bon, quand même. Après... Tout, il aurait pu me laisser à la merci des gens pas très fréquentables qui traînent à ces heures-ci. Bien que, ce soir, nous n'en avons pas croisé. Mais on est jamais trop prudents, hein ?

Je sors son téléphone de ma poche de manteau. Oui, son téléphone. Je l'ai pris, tout à l'heure, quand il m'a prise dans ses bras. Mais là, c'est pas pour le faire rager, non, c'est simplement pour y inscrire mon numéro. Tiens, tu t'invites dans le répertoire des gens, toi ? Oui. Depuis quand ? Depuis toujours, tu le sais bien. Et puis, j'ai les mains qui traînent... N'importe où. Indiana... Oh, ça va, ça va. Je suis fatiguée et à moitié bourrée, t'as oublié ? Non, bien sûr que non... Eh bien voilà.

- Indi, c'est moi.

Je m'avance vers lui, me dressant sur la pointe des pieds - ouais, une bonne dizaine de centimètres nous, sépare, quand même, ne l'oublions pas - pour l'embrasser sur la joue, enfin, bien près de ses lèvres quand même. Indiana. Oh, pardon, pardon. T'es pas possible, hein ? Héhé. Je glisse en même temps son téléphone dans sa poche arrière, avant de m'écarter et de m'enfuir, lui lançant un "Bonne nuit" et un sourire avant de disparaître dans le bâtiment des dortoirs.

Alors que nous nous apprêtions à nous quitter, Indiana sortit de sa poche un objet qui me semblait familier. Et il y avait de quoi : il s'agissait d'un portable, de mon portable, en fait.

"C'est une blague ? Elle a recommencé et j'ai rien senti..."

Une vraie kleptomane, cette fille. Enfin le principal était quand même qu'elle me l'ait rendu. Je pris sa farce à la rigolade, en pouffant un rire d'ébahissement, les sourcils levés.

"Indi, c'est moi" dit-elle simplement.

Oui, je sais, pourquoi cette affirmation ? En tous cas, elle m'épate. Si l'on se revoit par la suite, ce qui est fort probable puisque nous sommes inscrits dans la même école, il faudra que je sois très vigilant apparemment. Ses mains trainent vraiment partout. Tout à l'heure c'était mon herbe, et maintenant mon portable... Depuis quand est-ce qu'elle l'a d'ailleurs ? Aucune idée, tiens. Tant pis, je n'y cache rien de toute manière.

Elle se leva sur la pointe des pieds pour me faire une bise sur la joue... Sur la joue, plus ou moins, façon de parler, plutôt à la commissure droite de mes lèvres. C'est un réflexe : une fois cette zone touchée, un sourire se forme inconsciemment sur votre visage. Je n'échappai pas à la règle. Mais le mien était également volontaire. J'ai dû le répéter assez souvent, mais elle me fait bien rire, cette "Indi".

Je sentis tout à coup quelque chose s'installer délicatement dans la poche arrière de mon jean. Sa main, qui y déposa en douceur mon portable. Je pensais ne plus avoir de surprises avec elle, mais celle ci fut la preuve que j'avais tort.

Elle lança alors un "Bonne nuit" accompagné par son désormais habituel sourire narquois et provocant. Le tout en s'enfuyant vers les dortoirs. J'inspectai rapidement mon portable, au cas où, et découvrit dans mon répertoire un nouveau numéro. "Indi".

La Indi en question, elle marchait d'un pas sûr et fier. Quant à moi, je restai là encore quelques instants à la regarder s'éloigner petit à petit, complètement soufflé par son comportement.

"Imprévisible. Indiana Imprévisible Sherwood."

Bonne nuit.

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