Pour toute réponse, je haussai les épaules. Je camperais toujours sur mes positions, je resterais, pendant encore longtemps, convaincu que ce que j'ai fait est ignoble et fait de moi un enfoiré et un crétin fini. Mais si elle était persuadée du contraire, tant mieux pour elle. Et tant mieux pour moi aussi, finalement.

Toujours est-il que ses remarques me firent sincèrement plaisir. Elle me demandait de lui faire confiance. Et elle me faisait confiance, sinon elle ne m'aurait pas avoué tout ça. Elle ne m'aurait pas raconté toute cette histoire. Elle n'aurait pas non plus pleuré devant moi, fierté oblige. C'était une véritable preuve de confiance. On ne se connaissait que très peu, c'est certain, et pourtant je savais qu'il y avait quelque chose, une sorte de lien, qui donnait l'effet que c'était une "amie" de longue date, à qui j'aurais pu tout dévoiler. Enfin, "amie", façon de parler, huhu.

Je marquai une courte pause dans la conversation, baissant les yeux et hochant la tête en guise d’acquiescement. Sans doute pour lui prouver que j'avais bien saisi ses remarques, et que je les avais prises en compte. Puis je relevai la tête et lui souris légèrement, sincèrement.

- T'as vu, même pour savoir qui est plus coupable que l'autre, on reste en désaccord, ironisai-je pour alléger la situation. Je crois qu'on est juste pas faits pour s'entendre !

Suite à cette remarque, je me permis de prendre Indiana dans mes bras. Elle m'avait assez conforté dans l'idée qu'à ses yeux je n'étais pas un enfoiré et que, de ce fait, je n'étais finalement pas trop comparable à son ex. Je n'avais donc plus de crainte, plus de mal-être à avoir. Et puis, qu'on se le dise, j'en avais terriblement envie.

Keith ne me contredit pas une autre fois, hochant la tête pour acquiescer, levant ensuite les yeux vers moi pour me sourire légèrement. Mais ça a pas besoin d'être un grand sourire pour être beau. Non. Un seul petit sourire ça suffit. Surtout aussi sincère que ça. J'ai l'impression d'avoir un ami en face de moi. Un mec que je connais depuis longtemps, depuis toujours en fait. Sauf que c'est pas le cas. Ne l'oublions pas, je ne connais pas Keith. Je sais juste son nom, et son prénom. Je sais qu'il se drogue. Mais après... Posez moi une question, n'importe laquelle, je resterai silencieuse. Je ne le connais pas, il ne me connais pas vraiment non plus. Enfin un peu plus, vu que je lui ai raconté mes mésaventures avec Jake. Mais sinon, rien d'autre. D'où je viens, quel âge j'ai... Non, vraiment rien. Enfin, je pense qu'il doit se douter un minimum que j'ai plus de 16 ans. Comme je me doute qu'il doit être majeur. Après, l'âge exact... Si ça se trouve il est plus jeune que moi. Oh. Jsuis jamais sortie avec un mec plus jeune que moi. Stop. Oublions cette phrase. Rembobinons.

Je n'ai jamais fréquenté d'hommes plus jeunes que moi. Soit ils ont le même âge, soit ils sont plus vieux, de deux à quatre ans. Donc ça me ferait bizarre de savoir que je... Fais ami-ami ? avec un mec plus jeune que moi. Passooooons.

Alors qu'il me prend dans ses bras, je me redresse, me mettant à genoux, bougeant un peu pour me mettre correctement face à lui. Non, il a raison. On est pas fait pour s'entendre. Mais qu'est-ce qu'on en a à faire ? On peut faire ce qu'on veut quand même. Et c'est ça qu'est bizarre, aussi. On est comme chien et chat, eau et feu, Nord et Sud, blanc et noir, mais je peux pas me passer de lui. C'est physique, y a rien à expliquer. Il m'attire, et j'arrive pas à lui résister. Mais ouais, c'est étrange.

Mais on s'en fout. On a pas besoin de s'entendre pour s'attirer, pour se réchauffer. Alors pourquoi pas en profiter ? Ah non Indi. Non non non. Tu commences pas à vouloir faire n'importe quoi. Tu recommences pas, je veux dire. Contente-toi d'un câlin 'd'amis' et d'un chaste baiser. Ce serait mal me connaître. Je sais mais non ! En plus d'une folle, on va te prendre pour une traînée ! Faux. Je change pas 'd'ami' tous les soirs. T'es folle, Indiana, arrête. Depuis quand j'obéis à tes ordres, déjà ? .... Voilà, merci, c'est tout ce que j'avais besoin d'entendre.

- A-t-on seulement besoin de  s'entendre, là, tout de suite, maintenant ?

Je me redresse un peu plus, et dans cette position, alors qu'il est encore assis, je le dépasse. Oh, je sais que ça va pas durer bien longtemps, mais vaut mieux un peu que pas du tout...

- C'est toi qui voit, Keith..., je souffle.

Je m'approche encore un peu, jusqu'à ce que mes lèvres viennent effleurer les siennes, recommençant à sourire. Un léger sourire. Mais pas le narquois. Non le "sourire à la Indi". Indiana. Indiana. INDIANA.

Indiana se redressa pour finalement me dépasser, et se mit à genoux pour se retrouver correctement face à moi.


Sincèrement, non. On l'avait déjà constaté, on n'avait pas besoin de s'entendre pour s'attirer. C'est physique, ça ne se contrôle pas. Comme quand on dit "les opposés s'attirent." C'est exactement ce qui se passe dans notre cas. On aurait toujours un sujet de discorde, de quoi créer une énorme mésentante, et pour autant, on n'arriverait pas à se séparer. Alors non, on n'avait pas besoin de s'entendre, et on n'en aurait jamais besoin pour que ça fonctionne. Puisque c'était cette opposition qui formait le ciment d'une telle relation ambiguë.


Elle se retrouva tout près de moi, ses lèvres touchant presque les miennes. Elle souriait, d'un sourire incomparable, unique. Et communicatif. Son sourire. Le "sourire à la Indi", quoi. Je souris à mon tour, forcément. Rien de narquois, de volontairement désagréable. Seulement de la sincérité.

Définitivement, non. Pas besoin de s'entendre, entre nous deux. Être d'accord sur quoi que ce soit, se ressembler... Très peu pour moi. "Qui se ressemble s'assemble", me direz-vous. Oui, mais non. Là non. Là, c'était différent. L'attirance primait sur tout le reste. C'était bien suffisant. Le reste n'aurait été que superflu. Et le superflu est inutile. Par conséquent, l'entente aurait été inutile. Profitons plutôt de cette belle soirée, au lieu de se prendre la tête au sujet des nécessités urgentes ou non dans une histoire telle que la nôtre.

- Je suis pas sûr qu'on en ait vraiment besoin, non, lui répondis-je sur le même ton, en me redressant à mon tour.

Je la dépassai finalement. Je pris alors sa mâchoire entre mes mains, caressant ses pommettes de mes pouces. Je l'embrassai enfin en m'allongeant petit à petit sur le matelas, entrainant Indiana avec moi.

Indiana se trouvait à présent à cheval, au dessus de ma personne. Sa main droite alla se glisser dans mon cou, tandis que la gauche rejoignit la mienne. Je sentis alors l'index de sa main droite se balader le long de mon cou, pour finalement se faufiler jusqu'à mon col de chemise, et en détacher un bouton.


Je souris. Si elle savait. Évidemment que j'étais sûr. Au possible. C'était complètement surréaliste, de se retrouver ici, à cet instant, tous les deux, dans cette position. Mais j'étais bien conscient de ce que je faisais, merci. Même si une petite voix dans ma tête me conseillait de tout arrêter, de virer Indi de la chambre, et de faire comme si de rien n'était les jours à suivre, cette voix me semblait si lointaine que je ne l'écoutai même pas. A vrai dire, je lui avais depuis bien longtemps claqué la porte en pleine tronche, huhu. Depuis plus d'un an et demi même, maintenant. C'était la même qui m'avait conseillé de faire attention à ce que je consommais. Au final, j'aurais mieux fait de l'écouter, j'aurais pu éviter de gâcher misérablement quelques mois de ma vie. Mais parfois, laisser l'inconscient guider son esprit peut avoir du bon. En espérant que cette fois, ignorer ma conscience me porterait moins préjudice.

De toute manière, je ne risquais pas de devenir accro à Indiana comme je l'étais aux dopes. C'était complètement différent. Être accro à une drogue signifie ressentir ses effets "bénéfiques", du moins ceux qui nous plaisent, et ne finalement plus pouvoir s'en passer, jusqu'à ce que ses effets aient une mauvaise répercution sur le mental et le moral... Complètement différent, donc... Ou pas, en fait.

- Plus sûr que jamais, répondis-je. Et toi, t'en es sûre Indiana ?

De ma main libre, je vins caresser l'épaule d'Indi jolie, et retirer une partie de ma veste qui la couvrait encore. Elle n'en aurait certainement plus besoin d'ici peu de temps.

Indiana frissonna à plusieurs reprises. Encore gagné. Enfin, à cet instant, le jeu de savoir qui gagnait ou qui perdait n'avait plus vraiment sa place. En fait, on s'en fichait complètement. Du moins pour ma part. Puisque chaque défaite était aussi agréable qu'une victoire.

Ses doigts se baladèrent alors au niveau de ma nuque, descendirent le long de mon cou, puis allèrent de mes épaules à mes mains, retirant de ce fait ma chemise déjà entièrement déboutonnée. Cette dernière alla rejoindre ma veste que portait Indi jolie auparavant. La chemise ne m'aurait plus été de très grande utilité. La fenêtre était fermée, et il faisait désormais bien plus chaud que précédemment. Néanmoins, ses doigts, qui recommencèrent à se promener le long de mon dos, firent l'effet d'une ligne de glace dessinée le long de ma colonne. Ou de lave, en fait. Allez savoir. C'était en tous cas un effet de température extrême puissante, mais pas pour autant désagréable, bien au contraire même. Et qui me décrocha un long et fort frisson.

Nous ne parlions désormais même plus. Ça ne servait plus à rien. On n'était pas faits pour s'entendre, c'était certain. Mais comme elle le disait si bien, "est-ce qu'on en a vraiment besoin" ? La réponse était ici définitivement non. Et c'était tant mieux ainsi.

[RP fini]