Et aller, encore une journée à rien foutre, à traîner. Enfin, pas tout à fait, je reviens juste d'un entraînement de natation. Depuis quelques semaines, je ne fais que ça le soir, pendant deux heures. Mais ça fait du bien, ça fait penser à autre chose, c'est toujours mieux que de se morfondre. Ah, et j'ai aussi rajouté quelques tatouages à ma collection. Qu'est-ce que l'ennui ne vous fait pas faire. Dans quelques temps, j'en regretterai certainement. M'enfin, pour le moment, tout se passe bien.

Je remonte les manches de ma veste, sortant du bâtiment de la piscine. Balançant mon sac sur mon épaule, je me dirige en traînant les pieds vers l'internat. Les jours commencent à rallonger, un peu. Il fait moins sombre. Pourtant il doit être.... Je jette un coup d'oeil sur ma montre. Il est 18h37. Si j'avais pu, je serais resté un peu plus longtemps à la piscine, mais vu qu'c'est bientôt l'air d'aller manger, l'abruti de pion m'a dit que je devais quitter le bâtiment. J'ai obéi, j'suis pas en mesure de refuser, s'il m'emmène voir la direction j'suis cuit, vu le nombre d'heures que j'ai séché. Donc on obéit sagement, même si l'envie n'y est pas.

Arrivé près de l'internat, je pose mon sac, et, m'adossant au mur, j'allume une clope. Maintenant, on va observer toute la populace d'Enamor aller manger la bouffe quasi gastronomique de la plus grande université de la région. Moi, j'ai pas faim. Ils ont tous des super potes, des copines, des copains. Et c'est là que je me sens vraiment étranger. Jérôme s'est tiré, c'était mon meilleur pote. Alice n'a plus donné de nouvelles. Malgré tous les ennuis qu'elle m'a apportés, elle était sympa. Aileen ne me parle plus depuis un bail. Tout ça parce que j'étais avec Spencer. Et Prudence, je l'ai pas vue depuis bien trop longtemps. Ouais, je me sens seul. Putain. On dirait un mauvais film d'amour, c'est trop naze hu.

Je tire une dernière fois sur ma cigarette, avant de l'éteindre, et de la balancer plus loin. Aller, rentrons. Je rattrape mon sac et entre dans le bâtiment. Trop la flemme de monter les escaliers. Y a personne, tout le monde est parti manger, c'est le moment d'aller prendre l'ascenseur. Je me dirige vers les portes, appuyant sur le bouton pour que celles-ci s'ouvrent, ce qu'elles ne tardent pas à faire. Je passe les portes, m'apprête à rappuyer sur le bouton et... Merde. Putain. Spencer.

Ben écoutez. Journée de merde, soirée de merde, c'est dans la continuité des choses. J'ai réussi à m'arracher à l'entrainement, à battre mon temps, je m'étais dit "Ouais, tout compte fait la journée n'est pas totalement foutue !" Eh ben si, les amis, si si si, finissons dans la merde, comme on a commencé, ce serait beaucoup trop beau de s'en sortir comme ça, en un claquement de doigts. J'ai jamais eu de chance, je vois pas pourquoi j'en aurais aujourd'hui. Et là, oh là, on ne pouvait viser mieux, merci, bravo, félicitations.

Je la vois s'arrêter puis finalement elle continue d'avancer et entre. Je vais appuyer sur le bouton, serrant les dents, avant de m'adosser à la paroi. J'essaie de ne pas la regarder, mais mes yeux m'en empêchent et la détaille discrètement de haut en bas. J'ai l'impression qu'elle a maigri. Qu'elle est épuisée. Ses cheveux sont moins brillants. Ou alors c'est la lumière qui fait ça. Je me souviens encore, le soir du bal, quand on s'était retrouvés dans ma chambre. Sa crinière brune était totalement décoiffée, mais bon Dieu que ses cheveux étaient beaux. Et elle avait l'air moins blanche, aussi. Elle doit se tuer en cours. Je pense. Je sais pas. J'en ai franchement aucune idée, en fait. Je ne l'ai pas vue depuis belle lurette. Et c'était mieux ainsi. Y a des vilains souvenirs qui remontent, là. De très vilains souvenirs.

"Bonsoir Alex."

Ah ? Elle me parle maintenant ? Elle m'adresse la parole ? Ah, ok, très bien. Si elle peut, tant mieux, moi ça m'arracherait un peu la gorge, je pense. Mais vu que je suis poli, bien élevé et respectueux - même si je ne sais pas si elle mériterait encore un minimum de respect de ma part - je vais lui répondre. Je promets pas d'être aimable, je vous préviens. Alex. Merde, toi, là-haut.

- Bonsoir. Spencer.

Je croise les bras. Je vous avais dit, que je ne serais pas aimable. Mais je lui ai quand même pas craché à la gueule, estimez-vous heureux. J'ai limite été trop gentil. Alex, exagère pas. D'accord, elle a brisé ta confiance - et toi tout entier, en fait - mais tu l'aimes. Je l'ai aimé. Menteur. Je ne mens pas. Tu mens très mal. Je ne mens pas. Tu sais pas mentir et tu es très têtu, ma parole. Je ne mens pas et je ne suis pas têtu. Tu me casses les cacahuètes, Alex. Oh, excuse-moi.

Tout s'arrête. Quand je vous dis que tout s'arrête, c'est que tout s'arrête. Plus une lumière, plus un bruit. Okok. La soirée tourne au cauchemar, apparemment. L'ascenseur vient de s'arrêter. On dirait qu'on a coupé le courant, en fait. Merde. Et putain de merde allez tous vous faire baiser. Alex ! Quoi ?

- Enculé.

Je réussis à attraper mon téléphone dans la poche de mon jean, histoire de mettre un peu de lumière dans tout ça, je suis pas un pro niveau ascenseur. En fait, j'y connais rien. Encore moins quand tout est éteint et dans l'obscurité la plus complète. J'aurais pas pu me retrouver enfermé tout seul là dedans ? Ou avec un pote. Même avec une censuré. Je m'en fous, mais pas avec Spencer. Je soupire, lui faisant signe d'approcher.

- Tu sais comment ça fonctionne, ce bordel ?

En fait, je retire ce que j'ai dit. Avant, c'était magnifique. J'aurais préféré rester quelques petites minutes avec Spencer dans le même ascenseur que d'être coincé avec elle pendant certainement plusieurs heures. Nous voilà en plein désastre, en pleine catastrophe. Bordel. Mais je suis maudit. Pourquoi ça m'arrive à moi, à ce moment là ? Ok. Excusez-moi, j'ai séché, j'ai fait quelques écarts, limite des conneries un peu plus... Connes, mais faut pas déconner, merde. Je mérite pas d'être enfermé avec mon ex dans un ascenseur.

Mon ex. Spencer est mon ex. C'est bizarre de dire ça. Pourtant c'est la vérité. Et depuis quelques temps déjà. Mais j'arrive pas à l'appeler "mon ex" je suis obligé de l'appeler par son prénom, et je trouve que ça ne lui correspond vraiment pas, le "ex". Et pourtant, faudrait s'y faire. Faut s'y faire. Et ça le restera. Putain c'que ça fait mal. Vous imaginez pas comment on peut souffrir, comment on peut se sentir inférieur, blessé dans son égo, trahi, étranglé. C'est horrible, tout simplement horrible.

Après m'avoir agressé avec un beau "Comment veux-tu que j'le sache ?" bien sec, Mademoiselle Hastings se décide à s'approcher. Elle observe les boutons. Elle sent bon. Il y a quelque chose qui a changé mais elle sent bon. Y a toujours ce petit truc, dans son parfum. Ce truc inimitable, cette petite pointe. Son parfum à elle.

"Alex, tu sais, je..." Elle marque une courte pause. "Je pense que d'autres personnes remarqueront vite qu'il est en panne. On... On a qu'à attendre."

Je serre les dents, reculant dans le fond de la cabine. Attendre. Mais comment est-ce que je vais faire, moi ? Elle est mignonne, elle. Attendre. Je vais pas attendre, je vais pas tenir. Je pourrai pas rester des heures enfermé avec elle. Déjà parce que c'est franchement blessant, que ça ramène de très mauvais souvenirs, que j'ai toujours pas réussi à oublier, et que je tiendrai pas longtemps sans fumer, surtout que là, je risque de m'énerver vite. Mais genre vraiment vite. Vraiment vraiment vite.

- Merde.

Je m'assois contre la paroi, posant mon téléphone à côté de moi, toujours allumé pour éclairer un peu l'intérieur de l'ascenseur. Je lève les yeux vers Spencer. Nous vlà bien. Cloîtrés tous les deux dans ce foutu truc, là. Y en a un des deux qui va éclater, je suis sûr. Et je sais même pas lequel va le faire en premier. Putain.

- Ta journée a été cool ?

Autant engager la conversation.

Manquerait plus que l'ascenseur brûle. Ou gèle, au choix. Les blessés brûlés, les blessés congelés, à voir, comme vous voulez. Oui. Oui, je suis presque certain de ne pas avoir été le seul à souffrir. Elle m'a trahi, elle m'a en grande partie détruit, mais elle a eu mal elle aussi. J'ai réfléchi. Longtemps. Je passe mon temps à réfléchir à ce qu'il s'est passé, ce qui a provoqué notre rupture. Et, certes, c'est sa faute, elle a galoché cette nana, mais j'suis presque sûr qu'au fond, elle voulait pas, et elle m'aimait. Au moins un peu. Un tout petit peu. En fait, j'espère. Sinon c'est sûr, c'est vraiment une affreuse jolie fille qui joue les traînées.

Mais c'est dingue quand même, j'arrive même pas à dire du mal d'elle putain. A l'insulter intérieurement ou quoi. C'est chiant. Pourquoi j'y arrive pas ? Je vais vous le dire. Malgré tout le mal que la personne peut vous faire, c'est et ça restera quelqu'un que vous avez beaucoup aimé - sûrement trop - à un moment de votre vie. Surtout si, en plus, c'est la première fois que vous tombez amoureux. Certes, elle m'a trompé. Mais c'est Spencer. Et rien que pour cette raison je n'arrive pas à l'insulter.

A ce que j'ai compris, la journée de Spencer s'est déroulée parfaitement normalement. Comme une journée type pour une bonne élève et bosseuse comme elle est. En ce qui me concerne, j'ai strictement rien foutu, à part passer mon temps à m'entraîner pour me surpasser, vu que je n'ai quasiment plus que ça à faire, étant donné que je révise rarement et que, pour réviser, il faudrait déjà avoir ses cours en entier, n'est-ce pas.

"Et toi ?"

Spencer vient s'asseoir elle aussi contre la paroi, m'adressant un faible sourire. Effectivement, je n'ai pas été le seul à souffrir. J'ai comme l'impression, enfin c'est comme si je le sentais, qu'elle va pas bien. En même temps, rien qu'en la regardant, on voit bien qu'elle doit pas prendre beaucoup soin d'elle en ce moment. Elle a l'air fatigué et on peut croire qu'elle en a vraiment rien à cirer.

- Normale. J'ai séché et j'ai nagé, c'était cool.

J'ai une atroce interrogation qui me trotte dans la tête. Est-ce qu'elle a revu Emily depuis qu'on s'est séparés ? J'ai envie de savoir. Si ça se trouve elle sort avec elle. Non. S me l'aurait appris avant que je me retrouve coincé dans un ascenseur avec Miss Hastings. M'enfin, va savoir. Mais je veux vraiment savoir si elle l'a revue. Et selon sa réponse, soit je m'énerve soit je... Je sais pas.

- T'as revu Emily depuis ?

Elle est presque sortie sans que je m'en rende compte putain. Je baisse les yeux un instant avant de la regarder à nouveau.

Je crois que j'ai fait une bien belle connerie en posant cette question. On est pas à une près, certes, mais peut-être que celle-là, j'aurais pu l'éviter, et facilement en plus. J'ai l'impression que Spencer se décompose à ma question, comme si je lui avais avoué je ne sais quoi ou qu'on lui avait collé une gifle. En même temps, en y réfléchissant un peu, c'est normal. Emily est quand même la raison de notre ruprture. Enfin son baiser avec Emily, plutôt. Oui car la pauvre Fields n'est quand même pas tout à fait toute noire, Spencer a bien voulu l'embrasser, sinon ça ne serait pas arrivé. D'ailleurs, est-ce Emily qui a embrassé Spencer ou Spencer qui a embrassé Emily ? J'ai même pas réfléchi à la question, en fait. Mais je suis pas certain de vouloir savoir, tout compte fait.

« Je m'suis presque arrêtée de vivre depuis notre rupture mais bien sûr, je suis allée trouver du réconfort dans les bras d'Emily, hein, bah oui, mais quelle bonne idée putain ! » Elle marque une pause et reprend plus bas : « Je... C'est sorti tout seul... »

Je pose mes avant-bras sur mes genoux, laissant pendre mes mains dans le vide, je baisse les yeux. Eh merde. Donc j'avais raison, quand je pensais qu'elle devait souffrir un peu elle aussi. Enfin là ce n'est pas qu'un peu, apparemment. Je ne suis pas le seul à avoir souffert, Spencer le dit elle-même, depuis notre rupture, elle ne vit plus. Elle se sent coupable. Peut-être. Elle ne voulait peut-être pas le faire, me faire autant de mal. Nous faire autant de mal. Mais y a toujours ce drôle de goût, qui fait que je n'arrive toujours pas à lui faire confiance, que je doute encore, alors que je le vois bien, parfaitement bien, qu'elle ne va pas bien, justement. Mais c'est plus fort que moi, j'arrive pas totalement à la croire. C'est con, hein, mais c'est ainsi.

- Pardon, excuse-moi, c'était une question débile. Mais Spencer, j'veux savoir pourquoi t'as fait ça, pourquoi t'as fait ça putain, je veux savoir, pourquoi t'as tout foutu en l'air, c'est moi qui ai un problème ? Mais bordel, Spence, c'est humiliant, c'est vexant, ça te tue l'ego putain. Tu voulais te venger de moi ? Qu'est-ce que j'ai fait ? De quelqu'un d'autre, un mec t'a fait du mal et j'en paie le prix ? Mais je sais pas, mais putain, Spencer...

Je soupire, passant mes mains sur mon visage. Je m'embrouille, je sais plus quoi penser, là-haut c'est le bordel le plus total, j'arrive même plus à réfléchir correctement, je veux juste comprendre pourquoi elle a fait ça. Je l'aimais, plus que personne, comme un dingue, putain, et elle, elle s'en va galocher une nana. Je la satisfaisais pas ? Elle ne m'aimait pas ? Mais je sais pas. En tout cas, ça détruit. J'ai l'impression d'être, je sais pas. Rien. Rien du tout. C'est humiliant. Très. Trop. Surtout que bordel, elle a embrassé une nana. Une nana putain. Je l'aimais. Je l'aimais, bordel.

- Mais Spencer, bordel... Je t'aimais. Je t'aimais et tu m'as trompé, t'as foutu la confiance que j'avais en toi au dessus du vide, tu l'as tuée. Je t'aimais, pourquoi t'as fais ça ?

Je passe une nouvelle fois mes mains sur mon visages, soupirant. J'ai envie d'en griller une pour décompresser, pour évacuer toutes ces mauvaises ondes. Et de m'enfiler une bonne bouteille de vodka pour tout oublier, même si c'est pas pour toute la vie, j'm'en fous, j'veux juste faire passer cet affreux moment. Parce que là, c'est que ça fait remonter quelques souvenirs à la surface. En commençant par la première fois où j'ai pu apercevoir Spencer, puis au premier baiser, et le soir du bal, et cette fin d'après-midi, après les cours, où je l'avais engueulée, où je lui avais tout balancé à la gueule, parce que j'avais appris ce qu'elle avait fait. Bordel.

« Je... Je regrette tellement, si tu savais... »

Je la regarde à peine, elle va certainement me répéter un tas de trucs comme la dernière fois, comme quoi c'est une amie, qu'elle comprend pas ce qu'elle a fait de si mal, et je ne sais quelle autre connerie. Sauf que cette fois je me fatiguerai pas à l'engueuler, à lui balancer je ne sais quoi à la gueule, à essayer de lui faire ouvrir les yeux, de lui faire comprendre ce qu'elle a fait de mal, autrement dit embrasser sa pote Fields là. C'est dingue qu'elle s'en rende pas compte par elle-même. Moi elle m'en avait fait tout un foin pour Aileen, parce qu'avant c'était une sorte de sex-friend. Et le scandale pour Alice, quand j'avais apparemment menti. Elle m'avait massacré, elle m'avait fait la gueule, elle avait à peine accepté mes excuses. C'est dingue putain.

« J'te demande pardon, excuse-moi...j'voulais pas t'faire de mal, j'voulais pas...j'pensais pas qu'ça irait aussi loin cette histoire, j'ai pas fait gaffe...Je sais bien que tu comprends pas mais ça change rien à l’amour que j’ai pour toi, je t’assure... »

Je relève la tête, regardant Spencer. Ses yeux brillent, une larme roule le long de sa joue, mais elle ne lui laisse pas le temps d'atterrir au sol, elle la chasse d'un geste de la main. J'aime pas quand elle pleure. J'ai horreur de ça. Ça me donne envie de remonter le temps, d'oublier tout ce qu'elle a fait, de défoncer ce qui la rend triste, ce qui la fait pleurer, de la prendre dans mes bras, de l'embrasser putain. Mais je perdrais toute crédibilité. Et elle m'en a fait bavé, elle, quand j'avais fait une petite erreur. D'un côté j'ai envie de la rassurer, mais de l'autre j'ai envie qu'elle rame, qu'elle souffre autant que j'ai souffert. Mais je pense que de ce côté là c'est déjà fait, elle a l'air dévastée, elle ne vit plus depuis, elle l'a dit. Donc je pense qu'elle a presque autant souffert que moi. Moi les seules modifications qu'il y a eu, c'est mon séchage de cours, encore pire, mon mauvais caractère, et la bonne dizaine de tatouages que j'ai ajouté.

Elle me demande pardon, elle voulait pas nous faire du mal. Et elle m'aime toujours. C'est ça le plus important. Elle m'aime encore. Putain mais moi aussi, Spencer, moi aussi je t'aime, et je t'aimerai sûrement encore longtemps. Parce que, bordel, t'es la première fille dont je suis amoureux. T'es pas l'une de ces connasses qu'est passée dans mon lit, juste l'histoire d'une nuit, de quelques jours, tout au plus. Tu m'as fait changé, j'suis plus ce connard, qui changeait de nana comme de chemise. J'ai jamais cherché à te brusquer, je t'ai jamais obligée à quoi que ce soit, ça m'était complètement égal en fait. C'est pas un coup que je cherchais, c'était de l'amour, juste de l'amour.

- Spencer... Je... Viens là, viens là Spencer.

J'ouvre mes bras, pour qu'elle puisse venir. J'arriverai pas à la laisser en face de moi, pleurer comme ça, sans la rassurer, la prendre dans mes bras. Même s'il faut qu'elle rame, je peux pas la laisser comme ça, c'est plus fort que moi.

- Le principal c'est que tu comprennes ce que ça fait, que ça te brûle, que ça te détruit. Je t'assure, c'est atroce, ça fait trop mal, j'ai jamais eu aussi mal, on m'a jamais autant poignardé. Mais c'est parce que j'ai jamais aimé quelqu'un comme ça. Je pense qu'il me faudra un peu de temps, tu comprends ? C'est dur, c'est pas une blessure qui se referme comme ça, ce serait trop facile, ça fait beaucoup trop mal. Faut lui laisser le temps de cicatriser. La confiance reviendra certainement une fois qu'elle aura cicatrisé. Je veux pas te faire de peine.

A peine ai-je proposé à Spencer de venir se caler dans mes bras, qu'elle vient passer ses bras autour de ma taille. Je referme les miens sur elle, la serrant contre moi. Ça fait tellement longtemps bordel, tellement longtemps que je ne l'ai pas prise dans mes bras, que je n'ai pas ressenti cette putain de décharge à la con, cette chaleur quand je la sens près de moi. Et je peux dire que ça m'avait manqué. Même si je lui en voulais plus que tout, j'en rêvais. Je rêvais de pouvoir la serrer contre moi, ne serait-ce qu'une dernière fois, de sentir son parfum, de pouvoir caresser ses cheveux, toucher sa peau si douce. En fait, elle entière m'avait manqué. Je me sentirais presque fautif de l'avoir abandonnée et d'avoir dû renoncer à tout ça. Je m'en voudrais presque.

Elle pleure encore un peu. C'est ma faute. Alex, arrête là. C'est pas ta faute, c'est pas ta faute si tout a été foutu en l'air, c'est elle qui t'a trompé, t'allais pas laisser passer ça comme ça, la confiance que t'avais en elle a été détruite. J'aurais peut-être dû faire comme si de rien n'étais. Non, Alex, t'as fait ce qu'il fallait faire, elle a eu ce qu'elle méritait. Là c'est juste qu'elle craque, c'est fini, tout est fini, vous allez oublier et tout ira mieux après. Et arrête de te culpabiliser, c'est pas ta faute. Ouais, peut-être. Je caresse son dos, jusqu'à ce qu'elle se recule, laissant glisser ses mains jusqu'aux miennes.

« J'attendrais le temps qu'il faudra. Je te dois bien ça. Mais promets-moi une chose... » elle se mord la lèvre puis son regard croise le mien. « Ne m'oublie pas. »

J'esquisse un faible sourire. La promesse ne va pas être franchement difficile à tenir. Même avec la meilleure volonté du monde, et j'ai essayé pendant cette période, j'ai pas réussi à l'oublier. C'est juste impossible. Et pourtant j'ai vraiment essayé, croyez-moi. Je me suis tué plus d'une fois à l'entraînement, j'ai même essayé de me la sortir de la tête en bossant, impossible. Et faut vraiment que je sois désespéré pour que je bosse, je vous jure. Alors non, j'y arriverai pas, surtout maintenant que tout est à peu près rentré dans l'ordre. A peu près, ouais, il faut encore du temps, je l'ai déjà dit, pour que tout cicatrise. Parce que sinon, ce serait trop facile, vous comprenez, de guérir en un coup de baguette magique.

- Comment je pourrais ? C'est pas possible, Spencer. Fais-moi confiance.

Je replace une de ses mèches brune derrière son oreille. Ça fait du bien. On se sent plus léger, une fois qu'un problème s'est envolé.