Toutes les choses commençaient à prendre progressivement leur place.
Est-ce si facile à surmonter le « mal du pays » ou avait-il simplement un besoin compulsif de prendre un nouveau départ ? L’avantage dans ce genre de cette situation était qu’on pouvait être qui on voulait, effacer le passé, remettre tous les compteurs à zéro. Et évidemment il y avait de ça, mais une chose, une seule chose était essentielle dans sa vie, quel que soit l’endroit où il était, il ne pouvait résolument pas se passer de la natation.
Certains pourraient penser que ce n’était qu’un sport qu’un adolescent considérait comme toute sa vie. Mais si, vous savez, « sans la piscine, j’suis rien », « sans mes potes, j’suis rien ». Ce n’est pas que nous tentons de trouver des excuses à Leyth, bien au contraire, mais être dans l’eau pour lui le rendait heureux, libre de ses mouvements. Privé de son enfance et de sa liberté, l’eau avait été un des rares éléments à lui procurer un peu de paix en 6 ans.

Leyth secoua la tête, il fallait arrêter de repenser toujours aux mêmes choses. Il cherchait un peu de bonheur et de liberté, et ne faisait que s’enfermer dans les mêmes vieux et sombres souvenirs.
Aujourd’hui est un nouveau jour. Plein de bonnes résolutions, le jeune homme s’était levé de fort bonne humeur et motivé qui plus est, même avec son nouveau lit auquel il n’arrivait pas à s’habituer lui avait détruit temporairement le dos. Merci Montréal.

Leyth finit par arriver devant la piscine du campus, il était encore tôt et il faisait frais, rien de plus revigorant. Pourtant, en Belgique, il ne faisait pas si chaud que ça à bien y penser. C’est en tentant de se rappeler de la météo belge que le jeune homme finit par entrer dans les vestiaires. Endurci pas des heures d’entrainement et des vestiaires toujours aussi glaciaux, il fût prêt en à peine quelques minutes.

Finalement tout lui avait manqué. Le carrelage, cette sensation grisante provoquée par le froid, l’odeur du chlore … Non, pas l’odeur du chlore, mais c’était à prendre ou à laisser, pour le meilleur et pour le pire. Un rapide coup d’œil jeté au bassin lui apprit qu’il y avait d’autres courageux à cette heure-ci. D’autres étudiants d’Enamor ? Peut-être, il avait vaguement croisé quelques étudiants depuis son arrivée, plutôt sympathique dans l’ensemble et qui l’avaient aidé à trouver son chemin parfois.

Le jeune homme posa ses affaires dans un coin, et brava la température de l’eau. Une fois dans le bassin, il fit rapidement quelques longueurs, même si évidemment, il aurait dû s’échauffer mieux que ça. Au bout de 20 minutes, il s’arrêta au bord du bassin. Son lit et son dos broyé semblaient s’être ligué contre lui … Il aurait été tellement mieux au bord d’une plage avec 40°C ….

Leyth s’assit sur le bord du bassin et s’étira, c’est ainsi qu’il remarqua qu’il n’y avait plus personne … Ou du moins, plus personne dans l’eau, en effet, pas très loin se trouvait une charmant jeune fille. Oui, charmant, même si le rapide coup d’œil qu’il lui jeta ne lui permit pas de discerner tous les détails, autant ne pas être grossier, ce n’était pas genre.

Pas du tout son genre, et selon son amie d’enfance, Lena, restée à Bruxelles, il était même vraiment « coincé », se demandant à haute voix, quel était son problème, à moins que ce soit parce que c’était simplement des filles … Passons. Enfin, non, autant mettre les choses au clair, Leyth n’avait aucun problème avec les filles, il était juste vieux jeu et ne voulait simplement pas sortir avec une fille, juste pour un soir …
Il avait l’impression d’être vieux dans sa tête, trop mature, ou né à la mauvaise période. Est-ce qu’il ne pouvait pas simplement se détendre ?

Le jeune homme tourna légèrement son buste dans la direction de la jeune fille et lui offrit un sourire qu’il voulait chaleureux et amical. Il fut heureux de se trouver loin d’un quelconque miroir pour ne pas risquer de voir ce fameux sourire. Pourquoi est-ce que la plupart des gens pensaient qu’il était un « tombeur » ? Qu’il semblait si à l’aise avec les gens ?
Sincèrement, il n’en avait aucune idée en sachant à quel point il ne pouvait s’empêcher de réfléchir pour un tout et un rien. Mais, sérieusement, qu’est-ce que ferait un mec normal face à si jolie fille ?
Leyth passa négligemment sa main dans ses cheveux et lança :

- Salut, d’après ce que je vois nous ne sommes plus que les deux seuls survivants …

" Oui, j'en ai bel et bien impression " Est ce une façon de le décourager à engager la conversation ou la jolie jeune fille face à lui n'était tout simplement pas bavarde ? Il la vit disparaître un moment sous l'eau, et re-apparaître aussi soudainement.

L'été dernier il avait passé 2 mois dans un hôtel à être maître-nageur. Même si dans la piscine qu'il surveillait, il ne se passait pas grand chose, il avait tout de même été vigilant, et heureusement. Une fois, une petite fille de 3 ans avait échappé à la surveillance de sa mère et avait plongé d'un coup dans l'eau. C'est ce jour là qu'il avait dit adieu à son joli téléphone d'ailleurs. Mais peu importe, tout ce qui comptait été la santé de cette petite, Chloé. Il se rappelait encore son nom, cet épisode avait éveillé en lui des souvenirs douloureux. Même si cette Chloé lui devait en partie la vie, il n'avait pas réussi à sauver sa petite soeur, une dizaine d'années plus tôt. Il commençait à se pardonner .. Un peu, Lena, sa meilleure amie disait qu'il fallait du temps au temps ...

Leyth secoua la tête et surprit son sourire. Elle avait l'air sympa, et il avait désesperement besoin d'ami. Non, pas à ce point là, et il était parfaitement capable de survivre en solitaire. Mais le but d'aller à l'université c'était d'avoir un diplôme certes, mais aussi de passer les plus belles années de sa vie, avec des supers bons amis géniaux, non ? Bon, arrêtons d'être ironique.
Il voulait juste connaître du monde ... Assit sur le bord du bassin, Leyth tenta d'engager une nouvelle fois la conversation :

- T'es à Enamor ? Je suis Leyth, Leyth Hayes ...

Ainsi cette nageuse matinale s'appelait Nolwenn. Et était particulièrement poli ... Ou est-ce Leyth qui devenait vieux pour qu'on ne pense pas à le tutoyer immédiatement ? Son age avancé ainsi remis en question, le jeune homme fut un moment surpris. Non, elle semblait juste être particulièrement polie. Ce qui, en parlant comme un vieux, était vraiment rare " de nos jours ".

Nolwenn Perron, Nolwenn ... Son prénom et son accent ne semblaientt pas d'ici, mais semblaient typiquement européen. Serait-elle, elle aussi, du vieux continent ? Le jeune sourit, et rassuré par ce nouvel entrain.

- Enchanté Nolwenn. Moi c'est Leyth. Et aucun soucis, après tout, on doit à peu près avoir le même âge.

Etait-il nouveau ici ? ... Oui, le Canada était une grande découverte, Montréal aussi, ainsi qu'Enamor. Pourtant il s'y plaisait, alors qu'il n'avait rencontré presque personne. Il fallait toujours se fier à sa première impression, celle ci était souvent bonne, et concernant cette jeune fille aussi. Il espérait secrètement que toutes les personnes à l'université soient aussi sympa. Il lui sourit gentiment, et répondit à la deuxième partie de sa question.

- Oui, je suis arrivé il y a quelques jours ... C'est vraiment sympa ici. Mais c'est marrant, t'as pas vraiment l'accent canadien.

« Bien vu, je ne suis pas canadienne mais française. Oui en effet cette université est très agréable, on s'y sent bien et puis il y a pas mal d'options qui nous permette de sentir bien. Tu es nageur si je ne m'abuse, non ? »

Elle était française, voilà, il le savait. Tout était dans l’accent, et puis en tant que belge, il se devait de connaître ses voisins français. Et s’était aussi dû au fait, que l’accent canadien était incroyablement reconnaissable. Ce n’est pas qu’il l’aimait pas cet accent, c’était juste difficile à comprendre parfois.

- Oui, ça se devine que tu es Française, lança-t-il avec un sourire.

Oui, l’université avait l’air agréable, et le peu de personne qu’il avait rencontré l’était aussi. Tant mieux, il détestait les mauvaises ambiances, même si il y n'était pas assez naïf pour rêver d'un monde tout beau et tout rose. Non, pas après ce qu'il avait vécu avec son "père" et tout le reste.

- Mmh, tant mieux, ça donne envie de rester ! Oui, je fais partie de l'équipe ! Et toi ? Tu aimes te baigner le matin ou tu t'entraines ?

" Oui on trouve rapidement notre place mais fais quand même attention car certaines personne sont... euh...je ne sais pas comment t'expliquer. Enfin tu verra par toi même si tu en rencontre. "

Que voulait-elle dire par cette phrase si mystérieuse ? Il y réfléchit deux secondes puis laissa tomber. Après tout, il devait surement faire partie des gens " dangereux " en sachant où il avait passé ces dernières années, alors qu'il était sage comme une image, quand on le laissait en paix du moins ... Par sa carrure, il impressionnait les gens et ça suffisait à vivre tranquillement, du moins pour le moment. Et après ce qu'il avait vécu, ce n'était pas deux ou trois fils à papa qui allaient l'embêter.

Une gymnaste donc, oui, cela ne l'étonnait pas vu son physique. Elle était adorable, aussi, pensa-t-il sans pouvoir s'en empêcher.

- Gymnaste et courageuse, vu l'heure qu'il est, lança-t-il avec un sourire. D'autres préfereraient surement dormir ...