Pendant une fraction de secondes, je suis resté surpris du geste qu'elle venait de poser. Ses lèvres étaient passées tout près des miennes, mais sans les touches. Jamais je n'avais ressenti une sensation aussi spéciale. Je me suis immédiatement dit que j'aurais du la retenir, mais je n'en avais rien fait. Qu'est-ce que je devais faire? Je ne voulais pas la laisser partir comme ça. Je ne voulais pas simplement entrer dans mon dortoir et m'endormir sur ces événements. Qu'est-ce que je devais faire, bon Dieu de m*rde.

- Alyssia! Attends!

Pendant quelques instants, j'ai eu très peur qu'elle ne se retourne pas, mais elle se retourna lentement vers moi, les yeux brillants, les joues rouges. Je ne sais pas si elle avait cet air simplement à cause du froid ou bien si c'était dû à autre chose, mais je ne pus retenir le flot de mots qui se bousculaient dans ma bouche à ce moment précis.

- Dans quelques jours, il y aura un bal ici même, à l'Université Enamor. Depuis que je suis arrivé, je me suis fait quelques amies, mais j'aimerais bien savoir, si... enfin, j'aimerais savoir si tu aimerais venir au bal... avec moi, je veux dire. Je sais que je ne suis pas le cavalier idéal, je peux pas danser et, enfin tu comprends ce que je veux dire, mais j'aimerais beaucoup... j'aimerais beaucoup que tu viennes avec moi.

C'était sorti très rapidement. Comme quelqu'un qui était malade et qui ne pouvait retenir plus longtemps son vomi, mais je l'avais fait, je lui avais demandé.

Il se mit alors à parler et parler. Depuis l'heure ou deux que je le connaissais, je ne l'avais pas encore entendu parler autant dans une seule phrase, du moins, pas aussi rapidement. Il ne semblait pas habitué de faire de telles demandes à une fille. Il me dit alors qu'il avait plusieurs amies, mais qu'il préférait que JE vienne au bal avec lui.

Je me suis souvenue de l'affiche que j'avais vu quand j'avais fait le tour du réfectoire ce matin, UE prépare un magnifique bal de Noël : trouvez-vous une somptueuse robe et un tout aussi beau cavalier et rendez-vous dans le gymnase à 18 heures, le 21 décembre.

» Oui, je veux bien t'accompagner au bal, mais il faudra que tu me montres où se trouvent les gymnases parce que c'est une des choses que je n'ai pas encore réussi à trouver.

J'étais toute sourire et je n'arrivais plus à bouger. Je ne savais plus quoi faire à part rester plantée là, dans le froid à fixer ce beau jeune homme qui venait de me demander de l'accompagner au bal. Je n'étais jamais allée au bal. J'avais manqué mon bal de promo, à cause de David qui n'avait pas envie d'y aller.

Elle acceptait. Elle avait dit oui. Le bal était dans six jours. J'avais pensé inviter Charlotte, mais je sais qu'elle me considère comme un frère et je ne voulais pas lui faire croire que je ressens quelque chose de plus pour elle. Ensuite, je me disais aussi qu'elle préfèrerait sûrement y aller avec quelqu'un qui pourrait l'amener danser, alors que j'aurais bien du mal à faire quelque chose de pareil. Pourtant, aussitôt que j'apprenais à connaître juste un peu mieux cette fille étrange que je n'avais vue que sur Internet, j'avais tout oublié. J'avais momentanément oublié ma meilleure amie, Charlotte, sa meilleure amie Aurore, j'avais oublié ma situation, rivé à ce fauteuil roulant.

Cette fille était spéciale. Jamais personne n'avait réussi à me faire sourire comme ça. Jamais personne n'avait réussi à me faire oublier que j'étais cloué dans cette chaise-roulante et que rien ne pourrait m'en sortir. Elle avait réussi.

- Je t'aiderai à le trouver. J'ai ton numéro en mémoire, lui ai-je rappelé. Je t'appelle demain. Promis, juré.

Je l'ai alors regardée s'éloigner, son appareil photo au cou, son téléphone mobile dans la main, son magnifique sourire aux lèvres.