Aurore, 15 décembre.

Je suis lassée des cours, mais aujourd'hui, c'est samedi. Samedi, c'est synonyme de n'avoir aucune obligation. Hier, j'ai passé la soirée avec ce gars dans le bar où je me trouve présentement. C'est ouvert pendant la journée et j'avais envie de boire un verre. Bref, il est midi quelque part dans le monde, n'est-ce pas?

Il a oublié de me donner son numéro de téléphone. Pas grave. Il avait de jolis yeux, mais ça aurait pas marché. Un beau mec qui sort trop, ça attire des ennuis. Ma copine Charlotte me l'a bien prouvé avec son ex Gavin qui sortait tout le temps et qui a fini avec une poupée Barbie aux cheveux teint platine avec un nom de p*tasse que l'on voit dans les films Américains genre Ashley ou Athena.

Enfin, y'a pas beaucoup de monde ici pendant la journée c'est pourquoi j'ai eu la brillante idée d'envoyer un SMS à Charlou pour qu'elle vienne me rejoindre ici. On s'est beaucoup rapprochées elle et moi. On a quelques cours en commun, mais c'est quand je lui ai demandé si je pouvais prendre des photos d'elle. J'adore sa couleur de cheveux et son sourire. Elle est toute pimpante et remplie de joie. En plus, c'est une rockstar. Elle a une jolie voix et j'adore écouter de la musique.

Bon, en fait, on a beau être des artistes, on a pas grand chose en commun. Moi, c'est la photo et le dessin, puis la joie de vivre et les meneuses de claques. Elle, elle déteste le cheerleading, elle adore chanter et écrire de la musique.

Hey! Charlotte, je suis au bar d'hier soir, t'emmène tes fesses?

Je sais qu'il est tôt et qu'elle doit dormir, mais son téléphone va la réveiller... Enfin, probablement.

J'avais mis plusieurs minutes à me décider à me lever de mon lit pour finalement aller répondre à ce texto. C'était samedi et je n'aimais pas me lever tôt les samedis. Pour moi, le samedi, c'est une journée détente. Je la passe dans ma chambre avec personne pour m'embêter puisque la plupart des gens normaux considèrent les fins de semaines comme des moments à passer entre amis. Mais bon, il semblerait que depuis que j'ai une vie sociale, je doive lever mes fesses plus fréquemment.

J'ai pris le bus pour me rendre vers le centre-ville et j'ai décidé de marcher le reste du chemin, essayant tant bien que mal de me souvenir où se trouvait ce bar où j'avais passé quelques heures avec Aurore avant de décider de la laisser tranquille avec ce mec qui semblait l'intéresser un peu trop à mon goût. En fait, je savais parfaitement que si elle me contactait d'aussi bonne heure, c'est que ça n'avait finalement rien donné.

J'entre dans le bar et me rend au comptoir où elle est gracieusement assise sur un tabouret avec ces magnifiques talons hauts qu'elle s'était acheté sur Internet. Elle avait cette manière de se tenir qui inspirait confiance en soi et qui attirait souvent les garçons vers elle. J'aurais aimé être comme elle, mais on est qui on est.

- Et puis? Qu'est-ce que ça a donné hier soir? lui ai-je demandé sur un ton désinvolte.

Même si je connaissais la réponse, je ne savais pas comment engager la conversation. J'avais encore l'esprit embrouillé par le sommeil.

J'ai passé peut-être une heure à siroter mon verre avant que Charlotte ne se décide à se montrer le bout du nez. Ça fait quelques temps que l'on traîne ensemble : je sais qu'elle déteste se faire réveiller le matin, alors je ne fais pas de commentaire. Quand je la vois entrer dans le bar, je commande mon troisième verre depuis que je suis arrivée, sous le regard amusé du barman qui me voit de plus en plus souvent dans la sombre intimité de ce bar qui plaît tellement.

- Il était sympa le mec, mais il m'a pas laissé son numéro, lui ai-je répondu, comme si c'était la chose qui m'importait le moins du monde.

C'est certains que je n'aimais pas être celle dont on se foutait de la gueule... Il avait passé la soirée à me raconter des trucs, genre son ex petite-amie, genre ce qu'il fait dans la vie, etc., pour ensuite disparaître sans me laisser quoi que ce soit pour le retrouver. Heureusement, j'ai Facebook et si je réussis à me souvenir de son nom au complet, je réussirai peut-être à le retracer et lui faire comprendre qu'il me plaît beaucoup.

- Tu sais... moi, les mecs dans les bars... Ils cherchent pas la femme de leur vie, mais la femme d'une nuit. C'est un gars comme ton ami André qu'il me faut.

Charlotte savait que ce gars-là, je le trouvais vraiment de mon goût. Je n'arrive pas à résister. Seulement, le problème, c'est qu'elle est la seule qui lui donne ce sourire qui le rend tellement mignon. Elle n'arrête pas de dire qu'il n'y a rien entre eux, mais je n'ose pas trop lui avouer ouvertement que j'ai le béguin pour lui...

Encore André... Si elle continuait comme ça j'allais vraiment commencer à croire qu'elle avait le béguin pour lui. Ses allusions envers mon ami handicapé étaient toujours brèves et subtiles, mais elles ne l'étaient pas assez pour moi. Il faut dire qu'il était assez mignon, mais je m'étais promis qu'il ne resterait qu'un ami. Après tout, je venais tout juste de sortir d'une relation assez mouvementée avec Gavin et je voulais prendre une pause avant de m'embarquer à nouveau. André avait toujours été présent pour que je puisse lui parler de mes sentiments et de mes problèmes, mais je ne voulais pas que notre relation se transforme en autre chose...

Je ne savais pas trop quoi lui répondre. Devrais-je le lui présenter? Je sais qu'Aurore n'est pas trop son genre. Elle chercher trop l'amour, elle observe trop les garçons pour qu'elle puisse intéresser André comme elle le voudrait.

- Qu'est-ce que tu veux dire? Quelqu'un comme lui? C'est normal qu'il soit casanier et tout sage, il ne peut pas sortir comme les autres, il est en fauteuil.

Les gens faisaient souvent allusion à ce fauteuil. Qu'est-ce qui m'attirait autant dans le fait d'être amie avec André? C'était un infirme, mais ils ne le connaissaient pas comme moi. Il avait bien raison, sa situation mettait les gens autour de lui fortement mal à l'aise. Ça le frustrait, et ça me frustrait aussi.