Jerôme.

Me voilà rentré d'Allemagne. J'avais rendu visite à mon vieil oncle, celui qui m'avait hébergé après le suicide de ma mère. Il allait bien. Toujours aussi grincheux mais il allait bien. Nous étions tous les deux allés sur la tombe de mon père. Il me manquait terriblement. Mais le passé, c'est le passé. On ne peut pas le changer.

Après avoir déposé ma valise dans ma chambre, je suis descendu dans la cour, dans l'espoir de faire passer le temps. Les mains dans les poches, je traverse la cour. Le parc sera tout de même plus intéressant.

Je soupire et m'assois sur un banc. Clairement, je me fais chier. J'ai perdu ma copine et mon meilleur - et unique - ami. Depuis, je suis un peu seul à Enamor...

Jerôme.

Alors que je désespérais de ne pas voir un chat, une jolie demoiselle montra le bout de son nez. Elle traversa elle aussi la cour pour s'asseoir sur un banc, non loin de celui où j'étais. J'en profitai pour observer son visage. Elle ne me disait rien. En deux années passées ici, je ne me rappelle pas l'avoir croisé.

Je remarquai qu'elle regardait le ciel. Je fis de même. Hmm. Même si le climat ici est un peu mieux que dans mon pays natal en cette saison, le fait qu'il soit si gris est déprimant. Je pris la décision de me lever et d'aller taper la causette à cette jolie brunette.

- Et bien, que fait une si jolie dame seule ici ? demandai-je en arquant un sourcil interrogateur. D'autant plus que ce n'est pas vraiment un temps à mettre le nez dehors...

Jérôme.

Un petit compliment inclus dans une question toute bête et hop ! Le tour est joué. Cette demoiselle y rougit et j'esquisse un sourire satisfait. Elle me répondit qu'elle prenait l'air... Et que le vent vidait les lieux. Je jetai un coup d'œil à la cour : elle avait raison. À part nous deux, rare sont ceux qui s'aventurent dehors.

- Tu préfères être seule ?

Le vent soufflait entre les arbres et me sifflait dans les oreilles, sensation peu agréable. Je pointe du doigt le banc où est assise mon interlocutrice.

- Je peux ?

Jérôme.

La demoiselle me donna l'autorisation de m'asseoir à côté d'elle. Je ne perdis pas de temps. Elle ne tarda pas à se présenter. J'avais donc à faire à Nolwenn Perron.

- Ravi de te rencontrer. Moi c'est Jérôme. Jérôme Schneider.

Elle était plutôt mignonne, la Nolwenn. Je n'avais pas vraiment fait attention. Je lui avais dit qu'elle était jolie, c'était le cas, mais je ne l'avais pas regardé en détail. C'est étrange, elle ressemble un peu à ma mère, autrefois, quand elle était jeune. C'est troublant.

Je préférai penser à autre chose. À son nom, par exemple. Je ne crois pas qu'elle soit américaine. Son nom laissait penser tout le contraire. Il y avait, de ce que j'en sais, une consonance française.

- Pardon si je me trompe mais serais-tu française ?

Jérôme.

- Bingo, je suis bien française !

J'aurais parié 1000 dollars si j'avais eu quelqu'un avec qui "jouer". C'était pour moi évident qu'elle l'était.

Je ne suis jamais allé en France. Je l'ai juste survolé en avion. D'après mes connaissances, c'est un joli pays. J'ai toujours rêvé de monter dans la Tour Eiffel. C'est un sacré monument.

À son tour de jouer aux devinettes. Nolwenn tombe juste : elle me demande si je suis allemand. Je souris. Si mon grand-père voyait ça... Jamais il n'aurait accepté que je parle avec une française sans aucune haine, juste comme ça, en tout sympathie.

- C'est exact.

Je pose mon dos contre le dossier du banc et lève les yeux vers le ciel.

- C'est un beau pays, la France ? Tu es de Paris ?

Jérôme.

Cette fois, c'était raté. Mademoiselle n'avait pas vu le jour à Paris, mais en Bretagne. Je situais cette région mentalement, pour voir où est-ce que c'était approximativement.

Bien vite, elle me retourne la question en prenant moins de risque. Elle me demande simplement d'où je suis et ne propose aucune ville.

- Mes parents vivaient dans un petit village à côté de Francfort.

Je passe la main dans mes cheveux et en profite pour regarder la jolie Nolwenn. Elle avait plutôt l'air sympa. Enfin du peu que j'en sais pour le moment en tout cas. Je me demande bien si elle connait des gens ici.

Jérôme.

Notre attention est retenue quelques instants pas la même chose : un groupe de trois-quatre filles qui sortent du self et qui rejoignent les dortoirs. Une fois celles-ci disparues, Nolwenn me questionne. Elle souhaitait savoir si j'étais à l'université depuis longtemps.

- Si deux ans c'est long, alors oui, j'y suis depuis longtemps ! Et toi ?

J'espère qu'elle ne va pas me demander si j'ai des amis. Parce que c'est pas le cas. Je connais de vue quelques personnes mais je n'ai eu que deux véritables amis, qui m'ont lâchement abandonnés.

Jérôme.

Nolwenn était arrivée depuis seulement une semaine. C'est pour cela que je ne l'avais sans doute jamais croisé dans les couloirs. Je crois d'ailleurs qu'il y a pas mal de nouveaux en ce moment. Bah, après tout, ça ne rendra les choses que plus intéressantes !

Un mouvement sur ma droite m'interpela. La française venait de porter la main à sa gorge et elle grimaçait étrangement avant de reprendre sa posture de départ.

- Ça ne va pas ?

Jérôme.

J'arque un sourire interrogateur en la fixant. Elle ne semblait vraiment pas convaincue par ses propres propos. Je hausse les épaules. Après tout, ça ne me regarde pas. Je décide de changer complètement de sujet.

- Quel âge tu as ?

Nul. Cette question était nulle. Banale. Sans intérêt. Tant pis. Bah, c'est toujours bon à savoir au pire.

Nolwenn répond à ma question en m'apprenant qu'elle a 17 ans. Et elle me retourne la question ensuite.

- J'en ai 18.

La jeune fille fixait le sol. Je ne comprends pas bien pourquoi, elle a un très joli regard. À nouveau, le vent souffla, ébouriffant mes cheveux. Je n'avais pas pris soin de les plaquer comme je le fais parfois, je les préfère libres. J'en profite pour regarder la longue crinière de Nolwenn. On dirait que le vent l'a toute emmêlée. Je souris, amusé.

Jérôme.

Je crois que Nolwenn a elle aussi remarqué la catastrophe naturelle qu'était ses cheveux. Je réprime un petit rire. Ça semblait l'agacer.

- Tu voudrais peut-être rentrer pour éviter d'autres soucis du genre ?

Je pointe ses cheveux du doigt, légèrement moqueur.

Jérôme.

Nolwenn me regarda et sourit à son tour. Elle ne l'a heureusement pas mal pris. Elle me dit qu'elle ne souhaitait pas rentrer. Je fis la moue, pas vraiment convaincu. Puis la jeune fille changea rapidement d'avis.

- Tu veux aller à endroit particulier ?

Je me levai à tour et m'étirai rapidement. J'étais un peu fatigué, par le voyage notamment. Il y avait un sacré décalage horaire entre Montréal et l'Allemagne.