Je pousse la porte du salon, lâchant un long soupir. Quelle journée épuisante.

Je me suis levée en retard ce matin et j'ai couru un sprint pour arriver à mon premier cours de manière présentable et à l'heure. Challenge difficile mais relevé. J'ai en revanche du diminuer ma consommation de maquillage matinale mais ce n'est pas plus mal, finalement. Tu rigoles ou quoi ? T'es trop moche quand t'es pas maquillée. Je te rappelle que moi c'est toi, sale peste, et que mon corps est le tien. Malheureusement. J'approuve.

Toujours est-il que les cours m'ennuient et que j'ai passé la journée à comater sur la table. J'ai même pas pu passer à la salle de musique. J'ai jugé qu'il y avait un peu trop de monde à la fin des cours pour s'y arrêter l'espace d'une petite heure. Tant pis, j'irais demain sur une heure inintéressante. Tous les cours sont inintéressants à ton goût. Et bien j'y passerais la journée, dans ce cas. Pour t'entendre chanter comme une casserole pendant 10 heures ? Plutôt crever. Si tu savais depuis quand j'attends ce moment, Ella, si tu savais... Du coup, je suis restée un moment dans un coin à l'abri des regards, pour la fumette. Ça détend.

Je balance mon sac contre un canapé et m'affale dedans ensuite. Dans le canapé hein, pas dans le sac. Je m'étire loooonguement avant de regarder autour de moi. Moins de monde ici que dans la salle de musique. C'est pas plus mal.

Depuis la création des maisons, je n'ai que très peu traîné ici. Je ne connais personne et je suis incapable de juger qui fait partie de la Moonstone ou non. Et, à vrai dire, je ne tiens pas spécialement à en être capable...

Je sors mon bouquin de notes de mon sac. Pas mes notes de cours, hein, mes notes pour écrire des chansons, quand l'inspiration me vient. Bah oui, ça se saurait si tu prenais des notes en cours. Le salon s'est vidé après mon arrivée en fait. Je ne connais pas les gens mais les gens ont l'air de me connaître. Ce n'est pas plus mal. Je vais pouvoir laisser vagabonder mes idées sur le papier en paix, sans personne pour m'interr... « Salut Fauve. ». Non mais c'est pas vrai, c'est du foutage de gueule.

Renfrognée, je me retourne, prête à rembarrer la personne qui ose troubler ma paisible inspiration. Je me stoppe net quand je découvre de qui il s'agit. Mademoiselle la Grande Perche alias Petit Chaperon Rouge lors de cette fameuse soirée d'Halloween où nous nous sommes rencontrées, s'il vous plaît. Indiana Sherwood est donc dans la même maison que moi. Enfin peut-être pas d'ailleurs. Je ne la connais pas vraiment mais j'en ai vu assez pour dire que si l'envie lui prenait d'embêter le monde, elle se permettrait sans gêne de venir dans un salon qui n'est pas le sien. Enquêtons. Miss Sherlock, arrête de réfléchir, ton cerveau va cramer. Chouette, tu crameras avec.

Que dire... ? Ah, répondre, déjà. Par politesse, quand même. « Oh, salut Indiana. » Blanc. Ça y est, ce qui devait arriver arriva : panne d'inspiration. Pour mon bloc-notes tout autant que pour la discussion. Tu devais pas enquêter ? Ah si, c'est vrai. Tête en l'air. On se passe de tes commentaires inutiles, Ella. « Que fais-tu ici ? » Avec un sourire, ça passe mieux. Là, voilà. Pour ne pas que ça fasse trop inquisiteur. Non mais t'es pas dans un film, tu sais, ça ? Une seconde, je dois résoudre mon enquête. Mon but est de savoir si Indiana est dans un camp ennemi ou dans le mien. Toute façon, même si t'es étiquetée "Moonstone", t'es un clan à toi toute seule à l'intérieur d'un clan. T'as pas bientôt fini ? Et toi ? Pfft.

« Disons que je savais pas quoi faire, alors bon. J'suis venue là. J'avais jamais vu. » Ça ne répond pas à mes interrogations... Fait-elle partie de la maison, oui ou non ? Elle s'approche un peu du canapé où je me suis affalée quelques minutes auparavant. « Je peux m'asseoir ? » Non, gniaf. Roh, t'abuses, souviens-toi de la soirée d'Halloween, elle avait l'air aussi cinglée que toi. Je suis pas cinglée. Non t'as raison, t'es certainement plus que ça. Je vivrais dans un cartoon, mon visage aurait sans doute déjà viré au rouge, mes yeux seraient exorbités et prêts à sortir de leurs orbitres et mes oreilles fumeraient. Oh, je t'énerve tant que ça ? Ferme-la. Cela dit, c'est vrai qu'Ella n'avait pas tort pour une fois. Indiana ne doit pas non plus être saine d'esprit, héhé. « Oui vas-y. » Je me décale tout en parlant, faisant en sorte de ne plus monopoliser la longueur du canapé avec mes jambes.

Bien. Et maintenant ? Je ne suis pas une professionnelle du contact et de la sociabilité, bien au contraire... Que dire, que faire, je n'en sais rien. « Donc tu fais partie de cette maison ? » C'est tout ce que j'ai trouvé à dire. C'est déjà ça. Et au moins, je serais fixée.