"Évidemment, et bien sûr je vais te croi..."

Il s'apprêtait à boire encore une ou deux gorgées après m'avoir repris la bouteille des mains lorsque son téléphone a eu la merveilleuse idée de sonner, l'interrompant en fin de phrase. Keith quitte la rambarde et entre dans la chambre. Je soupire, faisant quelques pas en avant, essayant de ne pas faire trop de bruit avec mes talons, je m'appuie contre l'encadrement.

Visiblement, il n'a pas l'air de beaucoup aimé la personne à l'autre bout du fil. Il est froid, méprisant, et il semblerait que celui ou celle en face ne s'en rende même pas compte. Enfin de ce que je comprends. Pourtant ça s'entend bien, qu'il est agacé. Il cache même ma présence. Enfin ça c'est pas vraiment étonnant, remarque, s'il raconte à ses potes qu'il voit une nana alors que sa copine est partie, et qu'ils échappent ça par inadvertance ou pas, ça risque de légèrement gueuler dans la chaumière. Donc, "il dormait".

La conversation ne dure pas longtemps, et Keith s'empresse de raccrocher. Alors soit la personne en face devait partir, soit Keith en avait tellement marre et il n'a pas attendu la fin pour balancer son "Ouais, salut" glacial. Il envoie balader son téléphone plus loin et s'assoit au bord de son lit. Il ne fait pas très clair, je distingue à peine sa silhouette.

- On dirait qu'tu l'aimes, dis donc. C'était qui ?

Indiana ça ne te regarde pas, t'as pas besoin de savoir qui il avait au téléphone. Si c'était ses parents, je sais pas, si il avait un problème avec sa famille ou quoi. C'est pas parce que tu parles plus à te parents que c'est le cas pour tout le monde. T'as fumé, je crois, toi. Moi - et c'est sûrement qu'une intuition - je pense que c'est sa pétasse décolorée. Ouais, bien sûr, il vit avec et il lui parle comme ça ? Une intuition, j'ai dit, une intuition. Mais ça m'étonnerait pas, tu vois.

J'entre dans la pièce, m'approchant du lit, je retire vite fait bien fait mes chaussures pour venir m'asseoir en tailleur sur le matelas, face à Keith. Ouais, je respecte un minimum, j'enlève mes pompes si je pose les pieds sur le lit. Je me rapproche un peu. Ouais, il a l'air tendu. Vraiment agacé en fait. Je confirme, il ne l'aimait pas.

- J'espère seulement que t'as fait un joli rêve, pendant que tu dormais, je murmure au creux de son oreille.

Je passe ma main dans sa nuque, laissant courir mes doigts dans son cou, les faisant doucement remonter le long de sa joue, finissant par redessiner son profil, effleurant à peine sa peau. On va le détendre un peu mais pas trop, tout doucement. J'aime pas le voir énervé. Enfin si. Mais faut que ce soit moi qui l'énerve, pour que ce soit intéressant. Sinon j'aime pas ça. S'il est énervé, c'est que je le veux, que je l'ai choisi, c'est moi qui l'agace. Alors certes, des fois, je le paie très cher, mais j'aime ça. Et c'est bien pour ça que je recommence à chaque fois. Maso, t'es complètement maso. Tu vas le répéter combien de fois, dis ? On le sait, t'inquiète.