Après m'être trompée d'étage aux dortoirs pour poser mes affaires - non, malheureusement, je ne dormirai pas dans la même chambre que la bombe de la chambre douze du côté des mecs - je reviens à mon point de départ, le rez-de-chaussée. Et pas que l'idée d'aller dehors m'ennuie, non, franchement, je suis habituée à la neige et au froid, mais je préférerai rester à l'intérieur. Les culs gelés seront à l'intérieur, je vais aller les faire chier.

Oui, moi, je ne suis pas une cul gelée. Rien que ce que je porte en témoigne, un short, un espèce de tee-shirt à moitié déchiré et une petite veste. Ouais, soyons crédible, une petite veste. Ici, c'est limite le printemps, comparé à chez moi. Ouais, les gars, je viens de Finlande, et là bas, ouais, là bas il fait froid. Ici, il fait limite chaud. Mais les gens semblent pas s'en rendre compte. Ils sont tous emmitouflés dans leur petite laine, comme des vieux, à claquer du dentier. Quelle bande de bouffons.

Pianotant sur le clavier tactile de mon téléphone, j'entre dans le salon des seniors au dentier qui claque et aux membres décrépis qui grelottent. Je jette un rapide coup d'oeil avant de distinguer un fauteuil libre, dans un coin, qui fait face aux autres, qui domine les autres. Parfait, je vais pouvoir les observer. Et les critiquer. Ta gueule, toi, j'ai pas besoin de toi. Ouais, c'est pour ça que t'as tout ce fric maintenant, pétasse. Je t'emmerde bien poliment.

Je me laisse tomber dans le fauteuil et sort mon paquet de clopes de ma poche de veste. C'est aussi à ça que ça sert, la veste. A ranger ce qu'il faut. Ouais, j'ai pas de sacs, j'en ai pas besoin, j'ai rien à mettre dedans. Je remonte un de mes genoux contre moi, tirant une première fois sur ma cigarette. Ouh bordel de chien que ça fait du bien. Ouais, dans le taxi, j'ai pas pu fumer. J'ai fait des mimis au conducteur, pourtant, mais il était catégorique. Dommage, il était mignon. Du coup, j'l'ai pas payé. Oh, il a râlé, mais je me suis cassée. Et il m'a pas rattrapée.

Un petit gars à lunettes s'approche de moi, timide, et me regarde. Oui, et ensuite ?

- Un problème, l'aveugle ?
- Euh... En fait... Tu ne peux pas fumer dans le salon, il faut que tu...
- Ailles dehors, ouais, ça, je sais. Mais j'en ai clairement rien à cirer, du règlement, tu comprends ? Il hoche la tête. Mais pour pas que maman te fâche, je vais l'éteindre.

Je lui souris, fausse, avant d'écraser mon mégot par terre, l'envoyant ensuite valser sur le binoclard. Tu pourrais être plus respectueuse, Sof... Tu m'appelles comme ça je me ferai un plaisir de sauter d'un pont pour que tu quittes ma tête. Ou alors, dans un premier temps, je me bourre la gueule et je vais me prostituer avec toutes les putes qui se baladent ici, t'as compris ? J'ai compris. C'est bien, bien dressée, la petite conscience.

Je me lève, passant devant le fils à sa maman sans un regard. J'ai soif. Heureusement, y a à boire. Pas le à boire que j'aurais souhaité, vu que c'est de la flotte, mais ça hydrate tout pareil, l'effet secondaire en moins, mais c'est déjà ça. Je remplis un grand verre d'eau, le porte à mes lèvres et... Oh j'ai une bien meilleure idée. Je souris. J'ai vu une petite censuré, assise là bas. Et si on allait mouiller sa jolie robe, en plus, c'est sûr mon chemin pour retourner à mon fauteuil.

Je repars, n'ayant rien bu du verre, et lorsque je passe devant cette châtain aux allures de mannequin bien gaulée, verse le contenu de mon verre sur ses jambes, avec un grand sourire.

- Oops, excuse-moi, je ne regardais pas où j'allais, je dis sur un ton faussement désolé.

La princesse s'énerve, ouhlala. Je laisse échapper un petit rire. Si t'avais pas été si absorbée par ton téléphone, tu l'aurais vu venir, abrutie. Mais remarque, c'est peut-être son prince charmant, elle vit le Amour, avec un grand A, et s'il ne lui répond pas, c'est très certainement qu'il baise ailleurs, et son pauvre petit coeur sera brisé en mille morceaux... Quelle triste vie. Rien qu'à imaginer ça, j'esquisse un sourire en coin.

Oh. Mais j'y pense. C'est peut-être une autre princesse, dont elle est follement amoureuse. Ouais. Non, elle a pas une tête de lesbienne. Quoique. Des fois elles cachent bien leur jeu. Tu réfléchis toujours autant sur des choses inutiles. Oh ferme ta gueule, toi. Ça va. Non, ça va pas.

- La prochaine fois, regarde, me dit-elle, sèche.

Elle veut jouer à ça, Barbie ? On va voir qui va gagner. En attendant, si elle croit que je vais faire attention, elle peut crever. Mon passe-temps favori c'est d'emmerder les gens. C'est tellement drôle, de les voir s'énerver comme des retraités, à mourir de rire, je vous jure. Sauf que là c'est limite pas drôle, aucun répondant. Est-ce que seulement y aura quelqu'un d'amusant ici ? A croire que non. Ben alors, les fils à papa blindé et les fifilles de Kate Moss sont plats et inintéressants ? Quel dommage.

- Certainement pas, Brabie.

Je la regarde finir d'essuyer ses jambes. Ofh, faut attendre qu'ça sèche, là t'étale à moitié. Mais quelle bras cassés. Attends, elle a l'allure d'Eva Longoria, elle peut pas être intelligente en plus de ça, ce serait trop lui demander. Généralement, soit t'es magnifique et t'as rien dans le crâne, soit t'es normale de partout, soit t'es moche et surdouée. Elle, elle entre dans la première catégorie. Surtout pour la tête vide.

Je laisse tomber mon verre sur ses genoux, passant devant elle pour rejoindre mon fauteuil, je secoue mes boucles d'or.

- Attention, ta copine t'as peut-être répondue, Barbie.

Barbie rattrape le verre alors qu'il allait tomber par terre, le posant sur la table. Pendant ce temps, je me ré-installe sur le fauteuil que j'ai occupé quelques minutes auparavant. Ou quelques secondes, j'sais pas. Enfin bon. On s'en fout. Apparemment, son nouveau surnom ne lui plait pas, à Mademoiselle Parfaite. Quel dommage. C'est pas à cause de ça que je vais arrêter, parce que la Princesse est devenue rouge tomate et va péter un câble. Ce serait mal me connaître, oh oui.

"De quoi tu t'mêles, toi ?"

Ouuh, elle grogne la chienne. Attention, je suis sûre qu'elle mord, en plus de ça. Faudrait lui acheter une muselière, et la laisser sur le trottoir. Elle retrouverait les conditions de son métier. Péripatéticienne. Sauf que là ça ferait plus censuré sm. Shay, s'il te plait. Quoi ? T'es un peu trop grossière pour une jeune fille de ton âge. Alors je suis un mec, écoute. Tu sais très bien que j'ai un langage de poissonnière et que je suis irrespectueuse, voyoons, tu devrais être habituée. On dirait que non. Quel dommage pour toi, dans ce cas là.

Barbie me tourne le dos et reporte son attention sur son téléphone. Oh, sa copine lui a répondu. J'en était certaine. Je souris, tapotant mes ongles sur l'accoudoir.

- Moi ? De rien. Je constate juste que la demoiselle qui fait portes ouvertes tous les jours devant moi à l'air très absorbée par son nouveau client. Ou nouvelle cliente.

Je remonte l'une de mes jambes contre moi, posant mon coude sur mon genou, attendant patiemment la réponse de la pétasse bien gaulée en face de moi.