Je balance lamentablement mon sac sur mon lit, m'écrasant sur le matelas un instant. Putain. Je me suis couchée - enfin si on peut dire ça, parce que disons plutôt qu'j'ai fini dans un lit avec un mec donc on a pas franchement roupillé - vers six heures du matin. J'étais complètement bourrée, j'me souviens à peine du mec avec qui j'ai fini. Et on est en début d'aprem. J'étais levée à dix heures. J'ai souffert, sérieux. La veille de la rentrée, trop bien. J'vais quand même pas rater le premier jour, ça la fout mal quand même. Un minimum de distinction, tout de même.

Je tâte le lit pour attraper mon téléphone et regarder l'heure. Faut que je me prenne un café, j'vais mourir sinon. Remarquez, j'serai pas au lit tard ce soir. Mais j'serai toute seule, quel dommage. En même temps, baiser le soir de la rentrée, c'est un coup à se faire choper le lendemain matin. Et commencer l'année dans le bureau, y a rien de plus chiant. En gros ça veut dire qu'on va vous fliquer toute l'année. Donc c'est pas la peine d'y penser. C'est dommage. Ouaip.

Je me relève. On a dit un café. Putain j'ai vraiment l'impression d'être totalement vidée de mon énergie, c'est ouf. Je passe dans la salle de bains pour observer mon reflet. Ouh bah putain, j'ai l'air ultra fraîche didon. Autant qu'un mec qui s'est enfilé cinquante bouteilles de vodka en moins de trois quarts d'heure. Autant dire que je suis pas présentable. Ofh, qu'est-ce que j'en ai à foutre. J'attrape mes lunettes de soleil, glissant mon téléphone dans la poche de mon short avant de sortir de la chambre.

Quand j'pense. J'aimerais bien revoir la petite Blondie d'avant les vacances. J'suis sûre et certaine qu'on peut bien s'entendre. Et plus. Rah Shay tu m'énerves. Quoi ? Non mais tu pourrais pas penser à autre chose que coucher ? Genre j'sais pas, tes cours peut-être ? AHAHAHAH. Cte blagounette. J'te signale, et tu devrais le savoir, que j'ai abandonné les cours depuis bien longtemps. J'me demande comment ils ont fait pour t'accepter ici. Parce que j'ai un dossier hyper clean, à part ma dernière année de lycée.  Et que j'ai des résultats convenables pour quelqu'un qui fout strictement rien.

Donc j'disais. May. Faut absolument que je la revois. J'la trouve mignonne. Oh ben ça. Laisse tomber, ma chérie, on ne supporte pas les gens comme toi. Ta gueule connasse. Oooh, faut aussi que je croise Shelby, voir si elle est toujours du côté obscur de la force. En fait, j'ai un emploi du temps de ouf. Mais d'abord, j'vais trouver un café, et après je pionce.

Je passe la porte des dortoirs, et là c'est l'explosion. La lumière me tue les yeux, même avec les lunettes. C'est ouf ça. Toujours dormir pendant dix heures. Sinon ça vous nique tout. Je grogne, marchant vers le self, les mains dans les poches, quand un grand truc qui me dépasse d'une tête me bouscule. Ok. ça.ne.va.plus.

- Putain de bordel de merde, regarde où tu marches, t'es con ou quoi ? j'explose, renfonçant mes lunettes sur mon nez. Il a intérêt à s'excuser sinon j'me l'fais.

Qu'on me bouscule, j'apprécie pas, vraiment. Si on regarde où on va, on ne bouscule personne. C'est le genre de trucs qui me gonflent direct ça. Me faire pousser dès le matin. On est pas le matin. Je suis pas normale. Mais alors le pire du pire du pire c'est quand la tête de con qui le fait ne s'excuse pas. Alors ça. Ça je tolère pas. Mais pas du tout. Ça m'énerve foutrement. Et je crois que cette grande tête de burnes ne l'a pas compris, visiblement.

Il revient vers moi, pour se planter comme un con. Alors chéri, c'est pas parce que tu fais une tête de plus que moi que tu me fais peur, j'te préviens au cas où. J'ai côtoyé la vermine de ma ville en Finlande, et ils sont principalement grands et baraqués. Donc si tu crois que c'est tes quelques centimètres de plus et tes muscles minablement minables qui vont me faire frissonner, tu t'enfonces un porte manteau dans le cul. Il baisse les yeux vers moi pour planter son regard dans le mien. Mec, sérieux, va te faire enculer chez les bonnes soeurs.

« Il y a un problème peut être ? Parce que perso moi j'en ai pas pour l'instant. Enfin j'en avais pas, mais là tu viens de me déranger et c'est vraiment embêtant tu vois, parce que j'ai pas de temps a t'accorder tout de suite maintenant. Et puis si tu étais mieux réveillée, tu ferais attention à ce qui se passe autour de toi. »

Monsieur n'a pas de temps à m'accorder, attention. Quel dommage. Tant pis, j'aime me foutre en plein milieu et m'incruster dans son temps qu'il a pas à perdre avec moi. Et de quoi j'me mêle, si j'étais mieux réveillée ? Mais il a vu la gueule de déterré qu'il a ou il a pas croisé de miroir depuis ce matin ? Pourtant ça c'est typiquement le genre de mecs qui croisent le miroir plus de fois qu'ils auront de chemises dans leur vie, alors j'crois qu'il peut se taire. Avant que je l'aide à fermer sa grande gueule de pourri.

- Ok, mec, descends d'un étage sérieux, t'es pas Jay-Z. Et pis j'crois qu'y a un problème de taille, si, ta putain de mauvaise éducation. Quand tu bouscules les gens, connard, faut que t'aies la politesse de t'excuser, au lieu de faire le crétin. Tes parents t'ont pas appris ça ? Alors tu t'excuses, avant que tu perdes ce que t'as sans anesthésie, ok ?

Je serre les dents. Alors ça je supporte pas. Qu'il écrase les autres j'm'en fous, c'est chacun pour soi, mais face à moi faut pas qu'il fasse le con. J'crois que les mecs de la rue près de l'Université s'en souviennent encore, alors s'il peut éviter une souffrance inutile, et que je gaspille mon énergie inutilement, ce serait mieux pour tout le monde je pense. Pas d'humeur là.

"C'est toi qui me parle de mon éducation ? Demandes toi si la tienne est irréprochable avant de dire quoi que ce soit au sujet de la mienne. M'excuser ? Mais de quoi ? C'est toi qui me fonce dedans et c'est à moi de m'excuser ? Non mais c'est la meilleure celle là ! Laisse moi rire s'te'plaît. Ouuuh, c'est des menaces où je rêve ? T'es ni la première, ni la dernière à me la sortir celle là t'inquiètes pas."

Je ricane à la suite de sa tirade. Il me fait rire, mais qu'est-ce qu'il me fait rire. J'croyais qu'il te faisait chier. Ah ouais, il m'emmerde, mais il est aussi super drôle. Mon éducation. Certainement meilleure que la sienne, même si je ne le montre pas tout le temps. Ok, j'suis devenue une grosse pétasse, mais ce que mes parents m'ont appris je le connais toujours, même si je ne m'en sers pas. Enfin j'm'en sers avec les gens qui en valent la peine. Là n'est pas la question, si je bouscule quelqu'un je m'excuse, moi, même avec ma gueule de connasse, alors c'est pas ce crétin qui va me faire chier, putain.

Moi qui lui fonce dedans. Mais ouais, bien sûr. Il est atteint d'Alzheimer le gars ou quoi ? Avant de me pousser moi il en a bousculer trois ou quatre, faut qu'il arrête le délire, monsieur gueule-parfaite, parce que sinon j'vais lui rafraîchir la mémoire, moi. Et à ma façon. Et ça risque d'être légèrement douloureux. Non mais sérieusement, ce mec est une blague, une grosse blague. Il n'aura pas raison, on a pas raison avec moi. C'est moi qui ai raison. Surtout là. Donc il va descendre un étage, même de plusieurs étages. J'sais pas c'qui me retient de le castrer immédiatement en fait. Trop de bonté en moi, j'vous jure.

- Attends, mec. Si je bouscule quelqu'un je m'excuse, moi. J'ai les bases de l'éducation, moi. Woh, minute, mon joli. T'as bousculé deux ou trois personnes avant moi, alors non, non et non, ce n'est pas moi qui t'ai bousculé. C'est pas parce que t'as la gueule que t'as et que tu fais deux têtes de plus que moi que tu vas me marcher dessus, ok ? Alors excuse-toi, ne serait-ce qu'une fois dans ta misérable vie, mec. Et ce sont des menaces qui seront mises à exécution, si tu ne te rabaisses pas à un pardon, ok ? C'est juste ça que je te demande, un putain de pardon, ça ne me semble pas énorme. Ah ouais, excuse-moi, ça blesserait ta fierté surdimensionnée, ah ouais, là c'est clair, ça fait mal. Mais faut savoir se rabaisser quand il le faut, sinon tu réussiras jamais dans la vie, mon pauvre.

Je croise les bras, fixant l'inconnu d'un regard noir. Il ne va pas m'échapper. Je peux être très collante quand il le faut. Surtout quand on me manque de respect comme ce mollusque qui se croit tout permis, incluant le fait de ne pas respecter une pauvre règle de politesse qui tue personne. Si moi je peux le faire, alors n'importe qui peut le faire, me semble-t-il, et cet abruti n'échappe pas à la règle.