L'interrogatoire passe à la trappe.

J'avais, en vain, tenté de réconforter Alice. Elle n'arrêtait pas de se rabaisser, tout le temps. Alex lui avait fait perdre complètement la boule. Elle méritait pas tout ça et j'y étais pour beaucoup dans son chagrin. Après tout, j'étais quand même la fille qui fricotait avec le garçon qu'elle aimait...

Et puis, je crois bien qu'on est deux à avoir mal, dans cette histoire, non ? Il me semble que y'a pas que Alice qui ait été prise pour une conne, elle semablait l'oublier, ça. Alex m'avait complètement fait perdre pied. C'est pour ça que j'avais essayé tant bien que mal de m'éloigner de cette ordure. Peine perdue, il a réussi son coup. Il a bien joué avec moi, maintenant il m'a lâché comme une merde. Il aurait bien aimé m'sauter ce connard en plus, j'en suis certaine. Le coup du camping, là, c'était pour ça, obligé.

J'étais à présent bien plus en colère que triste. J'avais besoin de sortir tout ce que j'avais sur le coeur mais j'avais pas vraiment d'amis ici, en fait. Fallait que j'évacue tout ça, c'est pas bon de garder ce genre de choses pour soi, on finit par exploser comme un ballon, après. Quitte à parler toute seule...

J'le déteste, j'le déteste. J'le recroise dans un couloir, le bonhomme il a plus de tête. Je comprends toujours pas à quoi ça lui sert de changer de fille toutes les semaines, l'être humain est pas fait pour ça, c'est illogique, à s'en arracher les cheveux. Ou à lui en arracher les cheveux, à lui.

Je me stoppe nette quand j'entends la poignée s'abaisser et la porte s'ouvrir. Moi, qui étais debout sur mon lit à parler seule, comme une folle, je m'assois aussi sec. Heureusement que ce n'est que Robyn. N'empêche qu'elle m'a fait peur... J'espère qu'elle n'a rien entendu, j'ai pas envie de lui expliquer.

J'suis con, aussi. Je me plains qu'il n'y a personne à qui je puisse me confier et quand la seule personne susceptible de m'écouter se pointe, je refuse de parler. Non mais je confirme, Alex m'a rendue folle.

Tiens, salut ! Ça fait longtemps, dis-je sur un ton voulant enjoué.

L'interrogatoire passe à la trappe.

Robyn est venue s'asseoir sur mon lit, juste à côté de moi. Et voilà la question qui tue : "y'a un truc qui va pas ?" Roh, mais laisse-moi tranquille. J'suis sûre, cette pouf d'Ashley, cette grosse dinde, là. Elle est déjà au courant de qu'il s'est passé dans le couloir. Je déteste cette université. C'est pire que Rosewood. Je me force à sourire.

Pourquoi cette question ? J'ai l'air si fatiguée que ça ? demandé-je en grimaçant, une petite pointe d'humour dans la voix.

C'est vrai que cette nuit déjà, j'avais pas beaucoup dormi, à cause du baiser que j'avais échangé avec Alex. Ça m'avait, disons, pas mal perturbée et de ce fait, je n'avais fait que me réveiller, interrompant quelques doux rêves agréables. Qui, désormais, resteraient des rêves... Et puis en plus, j'avais pas pris l'air du tout, aujourd'hui, mis à part devant les dortoirs, dans les bras de... Bref.

On va changer de sujet, d'accord ? D'ailleurs, ça doit bien faire une semaine que j'ai pas vu Robyn. Elle passait toujours en coup de vent. Je m'endormais avant elle et me levais après. Et avec les cours en plus, on en avait pas beaucoup en commun. j'ai cru comprendre qu'elle était avec Louis Cadigan, le fameux chanteur avec qui elle avait chanté Mirrors, il y a environ un mois. D'ailleurs, c'était notre dernière vraie discussion. Depuis un mois, on a pas réellement parlé. Où était-elle, hein ?

J'ai bien cru que t'avais quitté l'univeristé... A part dans la gazette d'Enamor, je t'ai pas vu beaucoup, lui dis-je.

Je ne voulais pas qu'elle prenne ça comme un reproche. Ça n'en était pas un du tout. Elle a le droit de prendre du bon temps...

L'interrogatoire passe à la trappe.

Robyn fronce les sourcils à ma réponse. Visiblement, ça ne l'avait pas satisfait. Je me renfrogne encore plus lorsque j'apprends qu'elle m'a entendue parler toute seule. Alex. Rien que le fait d'entendre son nom me procurait une sensation maintenant désagréable. Enfin bref, ce qui me fait plaisir, c'est que ma colocataire s'en souvenait. Elle ne m'avait donc pas totalement oubliée.

Alex ? C'est qui ? J'connais pas d'Alex, moi, dis-je avec un sourire forcé.

Pff, j'pouvais me plaindre que j'avais pas d'amis avec qui parler, hein. On me demande ce qui ne va pas, on met le doigt dessus tout de suite et j'suis même pas foutue de dire quoique ce soit. On applaudit Spencer Hastings et sa fierté mal placée.

Occupée ou retenue quelque part ? Non parce-qu'un mois entier sans voir quelqu'un avec qui t'es sensée partager une chambre, ça fait long quand même.

Hmm, comment s'appelle-t-il, déjà ? Louis, c'est ça ?

Je me souvenais parfaitement de ce nom et j'étais au courant qu'ils étaient ensemble depuis ce fameux mois. Je l'ai pas appris grâce à Robyn mais par le panneau d'affichage... J'étais tout de même un peu déçue qu'elle ne me l'ai pas dit mais je dirais rien parce-que j'ai rien raconté non plus au sujet d'Alex et que là, je ne lui disais toujours rien.

L'interrogatoire passe à la trappe.

"Spencer, je veux pas te forcer à me parler, c'est juste que garder pour soi quelque chose qui nous fait de la peine n'a jamais fait du bien à personne. Faut toujours parler de ce qui nous tracasse, c'est la seule manière d'oublier et de le prendre autrement. Mais, comme je l'ai dit, je veux pas te forcer à me dire quelque chose que tu ne veux pas me confier."

Je l'écoute sans broncher. C'est tout à fait ce que j'avais pensé lorsque j'ai tenté d'aider Alice mais rien n'y fait, je suis pas prête à en parler. C'est trop frais. Malheureusement, je crois que mon petit coeur blessée en a décidé autrement. Je me pince les lèvres, essayant de retenir les larmes qui me picotaient les yeux. Peine perdue, l'une d'elles s'échappe. La traîtresse. Je ne dis rien, espèrant que Robyn ne la remarque pas.

"Moui. Je suis désolée de t'avoir laissée tout ce temps, Spencer. Et de pas te l'avoir dit."

Je lui souris mollement. Le coeur n'y était plus. Elle n'a pas à s'excuser. J'avais pas cherché à la voir non plus. Si ça avait été le cas, ça aurait voulu dire qu'elle m'évitait, et là elle aurait pu venir ramper devant moi en lâchant toutes les excuses possibles et imaginables.

J'étais comme ça, moi. J'ai tendance à accorder ma confiance sans trop de difficultés mais quand on la perdait, c'était pour longtemps. Alex allait ramer. Enfin, s'il souhaitait regagner ma confiance, ce qui n'est pas dit, en fait. Il était sûrement déjà en train de batifoler avec une autre fille, recontrée dans les couloirs ou dans un bar. Il est comme ça, Alex.

Mes yeux me brûlaient à présent. C'est pas bon de garder ses larmes pour soi. Et c'est pas bon de ne vouloir rien dire.

J'croyais que y'avait un truc, entre lui et moi. J'en étais presque persuadée.

Je me tais. En quoi lui raconter tout cela changera quelque chose au fait que je me sois naïvement attachée à un garçon si désinvolte ?

L'interrogatoire passe à la trappe.

J'avais de la chance de partager ma chambre avec Robyn, n'empêche. Elle m'écoutait parfaitement, du moins, c'est qu'elle montre. Je suis pas dans sa tête, après, elle a peut-être qu'une envie, celle de partir et de rejoindre son cavalier.

Je lâche un long soupire quand ma colocataire m'incite à continuer. J'en avais déjà beaucoup dit, c'est douloureux. Mais bon, elle était déjà bien gentille de rester là à m'écouter déballer mes petits problèmes relationnels, je pense que je lui devais bien ça, c'était la moindre des choses.

"Et bien il l'a fait. Et puis Alice a débarqué. En fait, Alex venait de quitter sa chambre quand il est venu là. Il lui a dit qu'entre nous il n'y avait rien. Il a dit ça à Alice, une de ses nombreuses conquêtes ! Pourquoi ? Parce-que j'en étais une aussi ?"

J'avais parlé plus fort, sans le vouloir. Ressassé tout ça, encore et encore, ça me fatiguait. Surtout que je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas le besoin qu'il avait de changer de fille tout le temps, le fait qu'il joue comme ça avec Alice et moi. On était sûrement pas les premières, en plus. Non, c'était à s'en tirer les cheveux. J'en pouvais plus de me poser toutes ces questions, j'allais exploser et devenir hystérique.

"Enfin bref, il est parti, maintenant. Il va me laisser tranquille et je ferais bien de te laisser aussi. Je veux pas te déranger, Robyn, tu as certainement mieux à faire !"

J'essaye de lui sourire du mieux que je peux. En plus, mes explications au sujet de ce qui s'était passé un eu plus tôt n'étaient absolument pas claires.